Que c’était bien dommage que le spectacle de la louve ne plaisait pas à tout le monde. Il était vrai qu’un lancer de couteau dans le dos d’une main était loin d’être une scène réjouissante pour d’honnêtes clients de bar. Les temps à Hat Island lui manquait, la violence était une monnaie d’échange, une coutume. Ainsi, une simple égratignure faisait rire la plupart des soulards et amateurs de jeux de mains. Là, actuellement, Rosenberg fut bien déçue du comportement de ces personnes. La louve avait le poil hérissé et les babines retroussées en sentant que le patron des lieux désirait réprimander la prédatrice. Heureusement que ces petits copains eurent réussi à le retenir, Jaina s’apprêtait à réduire considérablement la vie de ce mécréant.
Reprenant le couteau qui provoqua un autre râle de douleur à la victime de la cow-girl, ses billes sanguines s’arrêtèrent sur un verre de bière bien mousseux. Rapidement, elle saisit la chope et vida à très grande vitesse le contenu. Posant fortement l’objet sur la table en bois, Jaina essuya ses lèvres recouvertes de mousse et rota bien fort pour clouer le tout.
« Ta bière, c’est de la pisse de chien. » s’adressa la desperada au tavernier fin énervé. « Je comprends pourquoi tu n’as pas beaucoup de clientèle. » renchérit Jaina qui tira ses lèvres dans un sourire qui se voulait être moqueur. Elle reçut en retour des outrages à son encontre qui fit rire doucement la tueuse.
Son attention se porta à présent sur l’homme qui cherchait à acheter une arme. Ce dernier à l’allure plutôt fringante, beau gosse informa à son entourage que Jaina était son associé. La louve n’émit aucune protestation. Elle se laissa dominer par la curiosité, lui qui jouait sur les sentiments de Rosenberg en proposant une tournée à chaque client de ce foutoir. Ces beaux mots enlevèrent la tension pesante. Tous témoignèrent leurs joies, même Jaina s’y prêta en levant son bras, poing fermé tout en gueulant de réjouissance. Boire gratuitement pourrait lui remonter le moral à propos de la perte de ses pétards.
Sans attendre, l’impatiente se dirigea près du comptoir, posa son derrière sur un haut tabouret et tapa plusieurs fois sa main contre le buffet.
« Tu as entendu mon ami ?! Tournée générale. Je veux ton meilleur whisky ! » commanda la buveuse, impatiente de pouvoir étancher sa soif légendaire. Le tavernier ne mit pas longtemps pour la servir. Un verre posé contre le meuble en bois, une bouteille sortie de sous le présentoir, un tiers du récipient remplit, l’homme fit glisser le verre sur la table qui fut saisi en cours de route par la patte de la louve. « Santé ! » dit Jaina en présentant son verre à son prétendu associé qui se trouvait dans la même galère que la demoiselle. Sans armes…
Ses oreilles, fines étaient-elles et pourvus de plusieurs piercings dont des petits crânes humains, écoutèrent la conversation entre le beau parleur et un client bien renseigné. D’après ces dires, un prêteur sur gage croupirait à la sortie de la ville, plus précisément du côté nord. Sans plus attendre, Jaina vida d’un trait sa boisson qui lui procura un frisson de satisfaction et elle rejoignit son collègue habillé d’un costard.
À l’extérieur, remontant le col de son manteau puis enfilant ses gants à cause du froid, l’albinos se grilla une clope pour se réchauffer, elle en proposa même une à son allié du moment. L’objectif se trouvait bien loin, à plusieurs innombrables minutes de marche. Jaina siffla fortement ce qui provoqua un hennissement de cheval. Orphée, sa fidèle et magnifique jument rejoignit sa maîtresse tout en faisant vibrer ses babines. Agrippant la corne de sa selle, enfourchant une de ses santiags dans un des deux étriers, la cow-girl monta sur son amie. Jaina tapota l’encolure de sa jument en signe d’affection et se tourna sur l’inconnu.
« Je m’appelle Jaina Rosenberg d’Hat Island et future Reine du tir. » se présenta la Chapeauté en inclinant son chapeau pour approfondir la salutation. Elle déplia une partie supplémentaire de sa selle pour permettre s’il le désire à son collègue de monter derrière Jaina. « Pourquoi tu cherches des armes ? On a volé ton arsenal ? »
Claquant sa langue sous son palais qui ordonna à Orphée de s’aventurer dans les ruelles de la ville, la tireuse sans arme garda le silence pour le reste du trajet. L’énervement la gagnait petit à petit. Elle désirait en découdre contre les salopards qui avaient eu le toupet de voler ses précieux pétards. Sans s’en rendre compte, Jaina lâchait d’innombrables insultes à voix basse…
Enfin à destination, devant une maison hideuse et dépourvue de charme, la cavalière descendit de sa monture pour entrer dans la bâtisse. D’un coup de pied, Jaina força l’ouverture de la porte. Machinalement, elle chercha ses flingues dans ses holsters et soupira en se souvenant que son inventaire était vide.
Salazar Ditori qui tapait un petit roupillon contre son bureau, tomba de sa chaise. Surpris, il ne s’attendait pas à recevoir un client aussi turbulent dès sa petite entrée. Il jura des insultes en se relevant et en massant son postérieur.
« Vous avez pas lu l’écriteau à la porte ?! » grogna le vendeur qui frappa son poing contre son bureau poussiéreux. La lampe à huile manqua de chuter sur le sol. Heureusement, le prêteur sur gage rattrapa son bien de justesse. « C’est fermé aujourd’hui et je reçois mes clients qu’avec des rendez-vous. »
Quand Jaina s’avança dangereusement, Ditori ouvrit un tiroir à sa gauche pour en ressortir un pistolet à silex. Il agressa le chien pour armer son pétard. Mais son action était trop lente pour une habitué au Fast Draw. Dégainer et tirer le plus rapidement possible correspondait à un mode de vie sur Hat Island. Les meilleurs dans ce domaine vivaient longtemps et les moins bons remplissaient les fosses communes. Donc, Salazar n’eut pas le temps d’esquiver le coup de santiag sous son menton. L’homme retourna sur le sol en brisant sa chaise fragile.
« Où sont mes armes espèce de faible au foie blanc ?! » gueula la mécontente qui vola le pistolet à silex pour menacer Salazar. « Parle, sinon je te dézingue ! » fit-elle en manquant cruellement de patience pour interroger ses proies… Peut-être que son camarade avait plus de ressources pour interroger Ditori qui refusait d’ouvrir son clapet…