Deux déchets dans un bar

Dans la chambre d'hôtel, seule la télévision accrochée au plafond bougonne dans la pièce pour faire taire le silence. Le téléviseur diffuse un dessin animé depuis déjà une petite heure durant le début de la soirée. Cela donne donc un peu d'agitation dans le lieu, surtout lorsqu'une charmante petite voix se met à rire à cause des pitreries des personnes de cet animé. L'émettrice de ce chant joyeux se roule en boule contre le lit, roulant de gauche à droite car voyez-vous, le petit ange se tord de rire. Soudainement, le rire se transforme par des toussements. Des chaudes larmes sont sur le point de glisser sur les joues de la fillette, il ne reste qu'à faire le grand saut depuis leurs perchoirs qui sont les cils de la petite. Reprenant enfin maîtresse de son corps, Calamity Jane, la Riolu de Becky sort de derrière le rideau pour sauter sur le lit et s'assurer que Ruby Panabaker va bien.

La porte de la salle de bain s'ouvre délicatement, la tête d'une albinos en ressort pour y surveiller l'état de la gamine de neuf ans. « Tout va bien ma chérie ? » Son ton est très doux, moins fort que d'habitude et surtout plus mielleux. Après tout, il s'agit de sa fille qu'elle a mis au monde à la fin de ses dix-huit ans. « Oui maman, c'est rien. Tu pars vraiment ce soir ? Et tu rentres quand ? »

Ruby a l'air énervé à la vue de son visage mignon, de ses joues qui gonflent et de son adorable froncement de sourcils. « Je dois revoir une amie, trésor. Je serais là à ton réveil, ne t'inquiètes pas. Jane s'occupera de toi. » explique la lutteuse qui vient de retourner dans la salle de bain pour parfaire son rouge à lèvres. Ça fait au moins trois fois qu'elle recommence cette m**rde car Panabaker n'arrive pas à trouver la bonne couleur qui serait parfaite pour sa tenue de cowgirl. On dit que les femmes mettent trois plombes à se préparer. Bah c'est vrai pour Becky donc ça vous pose un problème ?!

Entendant sa fille se précipiter vers la duchesse, son ange tire sur la manche de la chemise blanche de Caledonia. « Steplait maman, tu peux laisser Bambino avec moi ? Il est trop drôle et gentil. » D'un petit soupir tout en caressant les cheveux rouges de Ruby, elle montre ensuite de son index la fameuse sphère où repose Grotichon. « Pas de bêtise. » prévient la mère en enfilant son couvre-chef. Attrapant ensuite sa fille qui souhaitait s'enfuir par amusement, un gros bisou rempli d'amour sera marqué sur la joue gauche de la petite par le biais du rouges à lèvres. « Te couche pas trop tard et ferme la porte derrière moi. »

Après s'être assuré que la chambre soit verrouillée, la catcheuse sort de l'hôtel cinq-étoiles. Son téléphone se met à biper, il s'agit d'un message de Manon qui lui confie sa géolocalisation. Zoomant le lieu, elle y découvre un vieux bateau. Hm...l'emmène-t-elle à une croisière ? Normalement un bar ça ressemble à un bâtiment et non un moyen de transport. Septique, la buveuse découvre sur internet le lieu précis qui est un bar dans un rafiot. Pas mal l'idée. Franchement, l'endroit a l'air très intéressant.

Répondant par SMS que Becky était en chemin, elle emprunte les petites ruelles pour esquiver la foule de gens, surtout ceux en couple qui pince le palpitant de l’albinos. Cela va faire plusieurs mois que sa femme est restée à Unys à cause de son travail. Vivement qu’elle arrive à trouver une solution pour permuter dans cette île. La distance commence doucement à faire souffrir Becky et les nuits à dormir seule dans un lit sont une véritable torture. Au moins, sa gamine lui remplit le vide qui persiste à vouloir rester dans son organe battant. Que dirais son épouse en constatant que la duchesse laisse seule Ruby dans une chambre d’hôtel en soirée pour aller se bourrer la gueule ? Que c’est un comportement irresponsable. Enfin, c’est pas comme-si l’albinos ne s’occupait jamais de son petit ange en la dorlotant toujours durant son temps libre.

Au bout de plusieurs minutes, après avoir réglé -dans une ruelle sombre à l’abri des regards- le compte d’un homme ivre qui s’était moqué de la couleur de ses cheveux tout en la traitant de vieille, Panabaker trouve enfin l’endroit où doit attendre Manon Dubell. Essuyant le sang sur son poing à l’aide d’un mouchoir pour éviter d’attirer les regards, elle oublie comme une idiote d’enlever une goutte de sang qui tâche une partie de sa lèvre inférieure. Du coup, comment dire. Là elle ressemble beaucoup trop à un vampire. Entrant dans le bateau, repoussant de sa main un autre gars sur son chemin qui empestait avec son haleine de mort, elle découvre enfin Manon qui lui fait de grands gestes avec sa main. Sourire joyeux aux lèvres, elle s’aventure parmi les clients du bar pour arriver avec pas trop de difficultés près de sa pote d’Unys. Posant son derrière sur un tabouret, Becky interpelle le barman. «  Un whisky s’il vous plaît. » commande la duchesse en déposant son chapeau de cowgirl sur le comptoir.

Lorsqu’un verre est donné par le gérant, la noble se permet de réquisitionner la bouteille tout en redonnant le récipient. « Votre verre ne sera pas suffisant pour moi. » explique-t-elle en déposant un beau billet à l’homme qui semble déjà fatigué de son travail du soir. Dégoupillant la chopine, Becky prend son temps pour sentir l’arôme de cet alcool. « Mouais, ça devrait le faire. » ronchonne dans sa barbe invisible la buveuse qui aussitôt s’envoie deux bonnes gorgées qui procurent des frissons à son corps entier. « Contente de te revoir Manon, je ne pensais pas te croiser à Lumiris. La dernière fois qu’on s’est vue…je crois que le barman nous a dégagés à coup de pied au c*l. Mais je me rappelle même plus de la raison. » Elle hausse ses épaules tout en levant sa bouteille pour trinquer en direction du gérant du bar Le vent en Poupe lorsque ce dernier ne semble pas être ravi d’avoir entendu…cette nouvelle inquiétante.

Effectivement, son amie la buveuse d'Unys a pris la même chose. Un verre de whisky. Notons d'ailleurs l'autre récipient à côté qui doit être de l'eau. Sans doute pour passer l'effet désagréable de la boisson acide d'alcool ? Au début, Becky faisait la même chose. Puis après d'innombrables expériences dans les bars, elle a fini par s'en passer. Caledonia supporte beaucoup mieux ce liquide qui dégrade sa santé. C'est comme au catch. Au début on mange le tapis et ensuite avec de l'expérience on fait bouffer le sol aux autres. Enfin, pour Becky c'est une sorte de point de vue. Peut-être que les autres ne verront pas cette description de la sorte. Revenant à ses esprits en recevant amicalement une petite tape sur son épaule, une sensation désagréable l’électrocute. Manque de bol, c'est la droite qui est touchée. Celle qui en ce moment même est encore en phase de guérison. Becky sert fortement sa mâchoire, oubliant les désagréments de ce contact. La prochaine fois, la catcheuse se placera à la droite de Manon pour ne pas exposer son petit bobo.

« Écoute, je vais plutôt bien. » répond la duchesse qui donne des petites pichenettes sur le verre de sa bouteille de whisky. « J'ai emménagé récemment à Kishika. J'ai acheté un ranch pour un prix dérisoire. En ce moment j'agrandis les lieux et j'améliore la structure. Bientôt, mon petit paradis sera enfin terminé avant le mois de décembre.» Sentant son gosier déjà sec, ce qui doit être un signe d'avoir parlé un peu trop, la cowgirl attrape son bien, son amour, sa dulcinée pour lui voler son précieux sky. Enfin, Becky aurait peut-être dû regarder avant de prendre la bouteille. Car oui, au lieu de saisir sa convoitise qui a été dérobée par sa tendre amie, Becky s'est saisie d'une bouteille de vodka que le barman avait oublié de ranger en servant un consommateur. Se rendant compte de sa boulette, de ce goût infecte qui brûle à la fois sa gorge et son estomac, des rougeurs arrivent à donner un peu de couleurs au visage cadavérique du vampire. De son poing, le bar est frappé à plusieurs reprises. Becky tousse plusieurs fois, pas prête du tout à ingurgiter cet alcool qu'elle déteste tant. Sauf bien entendu mélanger à du thé.

Alors, quand Manon s'excuse de lui avoir volé sa bouteille, son précieux, son trésor, l'albinos préfère ne rien dire. En fait, elle préfère que l'incendie dans sa trachée se calme. Puis quand le barman souhaite gronder, montrer les crocs à la manière d'un prédateur, il préfère déclarer forfait lorsque le regard noir de la catcheuse se plante dans ce dernier. Reprenant cette fois la bonne carafe. Elle trinque à nouveau avec Manon. « Santé ! »

Le whisky qui débute sa traversée dans le corps de l'albinos ressemble à de l'eau tombant d'une cascade et éteignant l'incendie qui ravagent actuellement ses tripes. Ça lui procure un bien fou, un peu comme le point culminant d'un cardio avec sa promise mais tout de même en moins puissant. Malheureusement, l'effet de la vodka puis du whisky provoque déjà des symptômes d'ivresse. Sa vision se dénigre un peu, pas comme-ci elle l'était déjà à cause de son albinisme. Donc, pour pouvoir durer et non succomber, Caledonia ressort de son sac à main un étui de couleur noire. En l'ouvrant, elle dérobe une paire de lunettes extrêmement coûteuse qui pourrait même faire jalouser les plus riches. Bien mise sur son nez, les verres ronds de couleur rouge cachent désormais les yeux rubis de la noble...

L'attirail en place, une question de sa Manon Dubell, une amie très chère à son cœur, un peu comme Megumi Kurotsuki, lui demande si sa choupette va bien. Y a-t-il un piège sur cette question ? Car deux éléments portent ce petit surnom. Sa bécane adorée et sa fille d'amour. Se massant le menton en réfléchissant à cette interrogation, Becky sort son téléphone à la manière d'une cowgirl dégainant son révolver. De son empreinte du pouce qui ouvre son mémoire électronique, elle parcourt sa galerie d'images afin de s'arrêter sur l'album portant le nom de Ruby. « La petite choupette a eu neuf ans cette année. » dit-elle d'une voix chaleureuse, un ton qui transforme la Reine du Ring en une mère aimant terriblement sa fille. Becky dévoile sa petite rose aux cheveux rouges détenant des iris similaires à ceux de sa mère qui est en train de jouer avec Bambino, son Grotichon. « C'est déjà une petite rebelle et elle me déteste pas encore. Je pense que je m'en sors bien pour le moment. »

Pour le moment oui. Car ce n'est guère simple pour Becky de se dire que son enfant la déteste peut-être en vrai car elle n'a jamais connu son père. Cette énergumène qui a décidé d'abandonner sa petite amie et sa fille en refusant d'avoir le rôle de papa. Rien que de penser à cet homme, le poing de Panabaker se referme, ses ongles sont sur le point de trancher sa peau. Ses vènes ressortent même de son avant-bras droit. Prenant une bonne respiration pour calmer sa colère, Becky décide de s'ingurgiter deux autres bonnes gorgés de whisky. « Et toi ? Quoi de neuf depuis le temps ? Toujours célibataire ? » À son tour, Becky effectue une tape mais sur le dos et non sur l'épaule. Sans oublier, que l'héritière des Danvers a zappé de modérer sa force. L'effet de l'alcool sans doute. Se rapprochant de Manon, plaquant sa main près de son visage pour tenter de camoufler sa voix, la duchesse sourit sournoisement. « Depuis que je traîne à Lumiris, je peux t'affirmer d'une chose. Cette île regorge de femmes ma-gni-fi-ques. » avoue la mère de Ruby qui ne parle pas du sujet des hommes, elle qui est mariée non pas à un monsieur mais une madame. D'ailleurs, en parlant de son épouse, Becky oublie de lui en parler alors que son alliance à son annulaire brille d'une lueur éblouissante pour ceux qui remarquent le bijou.