Les crocs face à la lune

Les petits endroits paradisiaques étaient devenues des munitions rares pour la pistolera. Depuis son arrivée sur Grand Line, l'albinos faisait parler la poudre à chacune de ses aventures. Pour le moment, sa quête de devenir la Reine des tireurs étaient en bonne voie. Son corps cela dit supportait de moins en moins d'être torturé par les évènements passés. Jessica Hellhound avait beau rafistoler Jaina, son âme devenait de la charpie.

Aujourd'hui, depuis que la Banshee fit escale sur Paopou Island, la Capitaine pirate espérait séjourner un bon moment pour guérir et se reposer. Elle avait loué une chambre d'hôtel, qui fut de l'argent gâchée. Car oui, la dame blanche pouvait très bien dormir dans ses quartiers à bord de la Banshee et c'était gratuit...

Assise à une table, en terrasse et à l’abri des rayons du soleil, Jaina dégustait un thé dont l’ingrédient premier était à base de Paopou. Le goût était raffiné, divinement bon et très relaxant. Jaina se retint de gémir de plaisir et se contenta d’un simple soupir de bien-être. Elle s’enfonça contre le dossier de sa chaise en bois puis détourna ses cristaux rouges sur une feuille parsemée de lettres, de mots et des phrases. La cow-girl venait d’exercer sa fille Wanda à une dictée. Bien qu’elle soit déjà grande, sa mère souhaitait terminer son éducation et lorsqu’elle vit un jour, une lettre recouverte de fautes, Jaina jugea bon de corriger ces erreurs.

Faisant la sourde oreille à la respiration lassée de son tendre bourgeon de rose, Jaina souligna les mots mal orthographié avec un stylo rouge. Chaque fois que la bille traçait une marque couleur sang, Wanda roula des yeux. Elle n’avait pas honte, elle était simplement agacée de sa mère. Être une pirate n’exigeait pas d’être forte pour écrire correctement.

« Je… »

« [color:097e= #B22222]Dois éviter de faire moins de fautes à l’avenir. » coupa Jaina qui retourna la feuille et la glissa près de son enfant. « [color:097e= #B22222]Tu dois sans doute penser que cet exercice ne sert à rien. Tu te trompes mon bourgeon de rose. Être douée en orthographe et en grammaire fera de toi une dame exceptionnelle. Imagine devoir écrire une lettre à l’élu de ton cœur. Penses-tu qu’il ou elle sera heureux de lire un courrier affreusement moche ? »

« M’man ! » expira de lassitude Wanda qui s’écroula sur la table. « Tu m’avais dit que tu voulais passer un moment tranquille en famille. Toi et moi, rien que tous les deux. »

« [color:097e=#B22222Trésor, c’est ce que nous faisons non ? » répondit la mère qui haussa doucement ses épaules et termina son thé en ressentant une profonde tristesse. Elle leva sa main en direction du serveur pour commander une deuxième tasse.

« Oui, mais pourquoi Berry est avec nous ?! » protesta l’adolescente qui désigna le capucin sur la chaise d’en face en train de manger une banane. Il était resté calme et écarquilla de surprise ses petits yeux. Il couina d’un air interrogatif et lorsque Wanda lui tira la langue, Berry lui jeta la peau de banane sur son visage. « Espèce de… !! »

« Du calme ! » tonna mécontente la mère qui frappa son poing contre la table. Lorsque le silence revint entre les trois êtres, l’albinos reprit la parole. « Tu as gagné, oublions les cours et allons explorer un peu plus le village. Je sais que tu meurs d’envie de visiter les rares magasins de cette île. »

Payant l’addition après avoir bu sa deuxième tasse de thé, elle laissa un pourboire pour la gentillesse du serveur. Bien que Jaina ne fut plus rassurée de la présence des hommes, il y avait encore des exceptions. Quant un mâle l’ignorait, ne se préoccupait pas de la demoiselle, le malaise de la capitaine pirate ne se réveillait pas. Cela dit, en lorgnant sur la silhouette de dos du serveur, son cerveau lui joua des tours. D’une fraction de seconde, elle crut revoir le Commandant Chris McLaughlin. Son cœur se serra, un frisson s’aventura du bas en haut de son échine. Puis, lorsque le jeune homme se retourna pour parler à des clients, le visage de l’officier de la Marine remplaça celui du serveur…

Sentant une perle froide tomber depuis sa tempe, Jaina devint encore plus blanche que d’habitude. Elle se leva de sa chaise en faisant grincer les pieds sur le parquet de la terrasse et fit signe aux deux autres de la suivre.

« Tout va bien m’man ? »

Jaina ne répondit pas, esquivant la question en traçant sa route à l’endroit où devait se trouver les rares boutiques du centre du village. Elle ne remarqua pas une mère chatouillant son adorable enfant. En revanche, ce fut le cas pour Wanda qui ralentit le pas. Un doux sourire se dessina sur son visage caché par le soleil grâce à une ombrelle. Elle ressentit presque de la jalousie de ne pas avoir une proximité comme celle de cette fille avec sa maman. Soudainement, la chamaillerie des deux femmes fit tomber l’adolescente. Atterissant sur ses fesses par une maladresse de la jeune fille, Wanda échappa à un léger râle de douleur. Elle se frotta le postérieur et accepta l’aide de la fautive pour se relever.

« Oh non, je n’ai rien. Ne t’en fais pas ! » adressa Wanda à la demoiselle en lui offrant un sourire angélique, sa douce marque de fabrique. La petite albinos détourna son regard, gênée et soudainement timide. Elle ramassa son ombrelle et se gratta la joue droite avec son index.

« Ça va trésor ?! » s’inquiéta Jaina qui revint au côté de sa fille pendant que son capucin perché sur l’épaule de sa maîtresse observa curieusement l’inconnue. La pirate fronça ses fins sourcils neigeux en constatant ne pas être une perle rare à cause de la mère de l’enfant. Une albinos comme elle. Croisant ses bras sous sa poitrine généreuse, la Ravengeuse souffla sur les cheveux de Wanda pour retirer une petite feuille verte. « Je ne suis donc pas la seule à souffrir de cette maladie… » marmonna la cow-girl dans sa barbe invisible.

La rencontre entre les deux albinos ne fut pas une moquerie du destin, il y avait toujours un but de cette force de la nature. Étais-ce un futur règlement de compte ? Un lien plus passionnant ? Ou une personne qui permettrait à Jaina Rosenberg d’évoluer ? Silencieuse, collé au dos de son louveteau adoré, la Louve Blanche communement appelée ainsi à cause des Drognars, admira l’enfant de l’inconnue. Elle était si choue, si douce, si adorable que la cow-girl émit la pensée de vouloir l’adopter si cette dernière se retrouverait sans parent. Jaina entrouvrit ses lèvres maquillées d’un rouge rubigineux. La femme expira le dioxyde de carbone enfermé dans ses poumons et finit par dessiner un ravissant sourire sur son visage blanchâtre grâce aux remarques de l’éclat de lune.

« Je…euh…merci beaucoup. » émit Wanda toute gênée qui détourna son regard sanguin pour rencontrer celui de sa mère. Toutes deux faisaient presque la même taille. Il ne manquait que cinq centimètres pour le louveteau afin d’égaler la grandeur de sa mère. « La vôtre est également magnifique, il vous donne également beaucoup de charmes. » déclara le bourgeon de rose qui refit son sourire angélique en reprenant son attention sur son interlocutrice.

Soudainement, un nouveau compliment fut tiré, à la manière d’un légendaire fast drow d’Hat Island. Cette fois, la cible fut Jaina Rosenberg à propos de sa maladie incurable : son albinisme. Souhaitant lui répondre, dont par exemple lui dire qu’être albinos était un affreux privilège, sa propre mère la coupa dans son élan. Gardant le silence, la Louve Blanche assista aux échanges qui torturèrent le palpitant brisé de cette dernière.

Des élocutions emplies d’amour, de tendresse, de chaleur qui titilla la corde maternelle de Jaina Rosenberg. Heureusement que ses lunettes de soleil aux verres rouges camouflaient ses perles humides. Est-ce que la Louve Blanche était inhumaine ? Aucunement. Là, la Rose Blanche fut incroyablement touchée par le lien qui unissait cette petite famille. Elle en ressentit presque de la jalousie de ne pas avoir eu de mots aussi poignants, aussi touchants pour réconforter Wanda. Après tout, le deuil de Jaina pour Pearl avait presque rendu folle cette dernière, l’incitant presque à vouloir tuer son propre enfant.

« Ne vous en faites pas. » dit-elle en gonflant ses poumons afin de ne pas verser de larme. « Ce sont des choses qui arrivent. N’est-ce pas bourgeon de rose ? » demanda la mère à sa fille adorée, l’être le plus cher à son palpitant.

Wanda qui sentit la tristesse de sa génitrice, se positionna derrière et l’emprisonna dans une étreinte bordée d’amour. Elle cala son visage contre l’épaule de Jaina et ferma un instant ses douces paupières maquillés de noir. Le louveteau acquiesça à la question. Ensuite, elle remonta la couverture de ses rubis face à la demande particulière de l’autre maman. Son séjour sur l’île avait été fort ennuyeux, surtout lorsque sa daronne l’obligeait à faire des devoirs. Donc, passer du temps à plusieurs pouvait être un riche évènement. Alors, en imaginant un potentiel refus de Jaina, elle allait répondre à sa place par une note positive. Néanmoins, l’harmoniciste qui portait constamment l’instrument de musique de son père autour de son cou, coupa l’élan du louveteau au pelage blanc.

« C’est d’accord. » répondit Jaina qui se montra extrêmement douce face au regard impassible de la dame. « Je suis du même avis que vous, madame. Ma fille sera certainement heureuse de papoter avec quelqu’un de sa tranche d’âge. Je m’appelle Jaina et voici mon adorable bourgeon de rose Wanda. »

Heureuse comme tout en ne s’attendant pas à une réponse positive de Jaina, Wanda inclina respectueusement son chapeau, son Stetson en guise de salutation. Elle donna son ombrelle à sa mère et enroula son bras autour de celui de l’éclat de lune pour être sous l’abri de sa nouvelle amie. Wanda était très tactile contrairement à sa mère, un potentiel défaut qui ne souhaitait pas se retirer. L’adolescente âgée désormais de quinze ans depuis deux mois, se permit d’ajouter quelque chose à sa camarade.

« Tu sais, moi je n’ai pas douté une seconde que tu étais la fille de ta mère. Tout à l’heure, dans vos chamailleries, j’ai tout de suite compris le lien que vous partagiez toutes les deux. Le physique importe peu, le plus important c’est ici. » Elle pointa de son index l’endroit où devait battre l’organe battant de la jeune femme. « Okay ?! »

Légèrement éloignée du duo d’adolescente, Jaina Rosenberg ouvrit le parapluie à motif de rose et le positionna pour abriter la silhouette de l’autre albinos. Ce fut alors que chacun de ses rubis versa une perle incolore et humide. La Louve Blanche ne désirait pas le montrer à son adorable louveteau. La Ravengeuse attrapa un mouchoir blanc et essuya ses larmes qui auraient pu dégrader son maquillage.

« Ce que vous avez dit tout à l’heure, qu’adopter votre enfant fut le plus beau jour de votre vie, m’a énormément émue. Vous forcez l’admiration et j’ai déjà un peu de respect pour vous. » Elle s’arrêta sur ses paroles, ressentant soudainement cette envie de vouloir avoir un deuxième gamin, un petit bout orphelin. Peut-être un garçon ou alors une deuxième fille. Malheureusement, étant primée et devenant un peu plus un monstre à chaque journée, transformait ce désir maternel en un rêve inaccessible. « Et si nous les rattrapions ? Je crains fort qu’à leur vitesse elles risquent de nous échapper. » avoua Jaina qui découvrit au loin les deux filles s’arrêter devant une petite file de personnes qui attendaient tous avec patience de pouvoir acheter une glace.

Sur une terrasse, assise sur une chaise, sa jambe croisée contre l'autre, la Louve Blanche surveillait silencieusement sa progéniture, sa seule et unique héritière. Une vie âgée de quinze années, déjà en proie face à un redoutable chasseur, sa propre famille. À l'heure d'aujourd'hui, comme celle d'hier, on tentait de la tuer, de la rayer de ce monde à cause du plus vieux des Rosenberg : Conor, le grand-père de Jaina. Pourquoi donc vouloir attenter à la vie de ce petit ange ? Pour réparer sa faute d'avoir copulé avec la grand-mère de Jaina, une ancienne domestique.

Sachant pertinemment que la vie de son adorable bourgeon de rose sera constamment menacée, Jaina restait sur le qui-vive, prête à toujours dégainer Lilith pour protéger son unique enfant. Cette dame installée à ses côtés, mère d'une adorable demoiselle, pouvait peut-être s'ajouter à la liste des menaces potentielles.

Lorsque sa propre identité fut dévoilée ou plutôt reconnue par cette Lune brillante d'une lueur étrange, la louve tourna son museau dans sa direction. Ses billes sanguines reflétèrent le visage de sa consoeur albinos en ne dégageant aucune intention hostile. Cette Chang'e pouvait lui citer d'innombrables remarques méprisantes, cette dernière n'arriverait pas à réveiller le monstre dormant, la Vouivre Immaculée.

Néanmoins, à la mention de sa Lune, de son ancien amour, de celle qui avait presque réussi à faire ranger les armes de la tueuse, la blessure au cœur de Rosenberg finit par se rouvrir à nouveau. Son palais mental lui fit revoir cette magnifique nymphe débordant d'une gentillesse et d'une tendresse légendaire. Hélas, le destin fut cruel d'avoir séparé ces deux êtres dans des camps opposés.

« Vous avez raison, ma fille est adorable. J'espère de tout cœur qu'elle ne perdra pas son humanité. » Elle marqua une pause, s'accoudant à la table, les mains jointes, ses doigts s'entrelaçant entre eux, son menton contre ces dernières. « Votre mignon trésor l'est également. Elle déborde d'une pureté bien plus puissante que celle de Wanda. J'en serais presque jalouse. »

Elle baissa son menton, pour que ses iris d’un rouge éclatant soient aperçus par sa voisine de table. Là, ses lunettes ne permettaient plus de cacher ses billes venant des enfers. Un regard qui devint petit à petit menaçant. La Louve Blanche s’apprêta à faire tomber son masque.

« Ma vie sur Hat Island, ainsi que les nombreux chasseurs lâchés à mon encontre à cause de mon sang m’a malheureusement conduit à une voie bien sombre. » dit-elle d’une voix froide en lâchant aucunement son attention sur cette Chang’e, potentielle amie d’Éléonore Grey. « Je n’ai aucun regret sur ce que j’ai fait, à l’exception d’avoir détruit par égoïsme les sentiments de la femme que j’aimais cruellement. Des soldats du Gouvernement ont tenté de s’en prendre à ma famille, pour je cite la raison de ce qui coule dans mes veines. Des membres de la mafia ont drogué ma fille en profitant de sa gentillesse. Des pirates, dont leur capitaine avait commencé à abuser de ma progéniture. » révéla la mère qui ne citait qu’une partie de ses péripéties pour protéger sa famille. Sa colère bouillonna, son cœur s’accéléra, son fruit maudit fit changer pendant deux petites secondes les pupilles rondes de l’albinos en une forme de fente. « L’être abjecte que je suis, est né à cause des cruautés de ce monde. Une louve qui dévore ses proies lorsque sa meute est en danger. Que ce soit ma fille, ma famille de sang et les Ravengeuses, ils sont tous sous ma protection. »

Soudainement, ses prunelles qui frôlaient ceux d’un diable, se calmèrent immédiatement en entendant le rire des deux adolescentes. Jaina reprit son calme, remonta son visage et adressa un doux sourire à Chang’e. S’enfonçant dans le dossier de sa chaise, croisant ses bras sous sa poitrine généreuse, la cow-girl attendit que son palpitant cesse son activité précipitée avant de reprendre la parole.

Venait-elle de dire la stricte vérité sur ces précédents actes de barbarie ? Qu’elle n’avait aucun regret pour avoir dérobé la vie d’innombrables personnes ? Depuis que Jaina avait récupéré Wanda, l’albinos ressentait des regrets, dont par exemple d’avoir assassiné des mères et des enfants sur son chemin. Pourquoi l’avoir fait ? Car Rosenberg était aveuglé par le chaos qui l’habitait. Devenir plusieurs fois la victime face à la Marine, face à l’équipage pirate de Drangezul, l’avait fait réfléchir. Surtout avec sa rupture amoureuse. Ce monde abritait d’innombrables salopards, mais des âmes innocentes ne devaient pas subir le courroux de la Louve Blanche. Ce fut une des remarques de sa fille… Pourquoi tuer des civils ? Pourquoi s’en prendre à des familles qui n’en avaient rien demandé ? Pour montrer aux Ravengeuses qu’elle était la plus cruelle du lot ?

« Comment va Éléonore ? » s’inquiéta la pirate qui souffrit en silence de cette question. Honte à la louve d’avoir blessé cet ange. « Vous n’êtes pas obligé de répondre. Je ne l’ai pas revu depuis l’Îlot Flottant. Elle se battait avec hargne, courage, montrant une véritable valeur de ce que devrait être la Marine. Cette femme, à mes yeux, est toujours admirable. Si je suis heureuse que le destin vienne maudire la destinée de gens que je déteste, je suis toujours…attristée par ce qu’il a fait subir à cette dernière... »

Pendant ce temps, les deux adolescentes achetèrent enfin les glaces tant convoités par ces dernières. Wanda opta pour les spécialités de l’île, histoire de découvrir de nouveaux goûts et de le partager avec sa mère. Elle revint près des deux albinos, un sourire tout à fait innocent aux lèvres qui disparut immédiatement en ressentant une tristesse passagère de sa chère maman. Elle s’installa à ses côtés, lui tendit la glace et poka le nez fin de Jaina.

« Je ne suis pas partie longtemps, inutile de faire cette tête m’man. » déclara le louveteau qui posa son dessert sur la table et emprisonna pendant plusieurs secondes la Louve Blanche dans une étreinte emplit d’amour. « J’espère que tu n’as pas oublié de faire les boutiques avec moi, hein ?! » Ses iris sanguines s’illuminèrent de joie, remplis d’étoiles. « Il y a peut-être de magnifiques robes. » Elle se mit à rougir d’embarras et cacha son adorable visage à l’aide de ses mains. « Pardon, depuis enfant je rêve de porter d’innombrables robes. J’adore ces vêtements. »

« Dis plutôt que tu veux ressembler à une princesse. » répondit Jaina qui goûta avec curiosité sa glace. Elle en fut très surprise du goût et s’attaqua avec plaisir de ce mets. La Ravengeuse rit doucement à la protestation de son bourgeon de rose qui devint rouge comme une écrevisse.

Les deux nouvelles rencontres venaient déjà de partir depuis une bonne heure. Les Rosenberg restèrent ensemble, à table sur cette terrasse de bar. La glace de la jeune fille venait déjà de fondre, il ne restait que le cornet. Wanda n’avait pipé aucun mot, la tête baissée, le regard abattu. Jaina lui avait commandé un jus de fruit local de cette île innocente. Boisson dont le louveteau ne souhaitait pas y toucher.

La mère comprenait que trop bien ce que pouvait ressentir son bourgeon de rose. Le triste sort d’être la fille d’une criminelle. Impossible d’avoir une vie paisible en restant jour et nuit au côté d’une pirate recherchée. Pourtant, Wanda avait choisi cette destinée. De ne plus être abandonnée et de rester auprès de la Louve Blanche. Mis à part ses mains gorgées du sang de ses victimes, la moins âgée des Rosenberg ne manquait aucunement d’amour. Elle en avait même un peu trop.

Néanmoins, le départ précipité de cette petite lune du nom de Lulutsu rendit extrêmement triste le louveteau. Elle qui s’imaginait déjà chanter de tout son être pour cet astre lumineux. Oui, Wanda allait vite en besogne, mais ce n’était qu’une adolescente, ignorante de beaucoup de choses de la vie. Des larmes coulèrent pour caresser ses joues puis son menton. Les perles s’écrasèrent contre la table. La gamine renifla à plusieurs reprises, se refusant de se perdre totalement au chagrin.

Sa mère ne fit rien, se sentant déjà la grande responsable de ce mal. Jaina se mordilla la lèvre inférieure, se perdant dans l’immensité de son palais mental pour réfléchir à l’avenir de son unique enfant. Était-ce bien sage de la laisser suivre ses pas ? Qu’elle devienne une pirate ? Un loup n’était pas obligé de suivre la meute. Il pouvait partir en solitaire… Cependant, l’idée d’être séparé de Wanda serait une douleur inimaginable, contraignant presque la cow-girl à s’ôter sa propre vie, de plonger dans la mer et se laisser couler par la malédiction de son fruit du démon.

« Tu n’es pas obligée d’épouser la voie de la piraterie. » finit par déclarer la Louve Blanche à son louveteau. « Tu n’as aucune prime, tu peux rejoindre la Marine. Être du bon côté de la loi. »

« Je te rappelle… » commença à répondre Wanda d’une voix tremblante. « …que la Marine souhaite te capturer ou te tuer. Imagine qu’il se serve de moi pour t’attraper ? Dois-je aussi te rappeler m’man qu’un officier a tenté de détruire notre famille sur Hat Island ? Pour se venger de mon grand-père Lawrence… »

« Wanda je… »

« Tais-toi !! » hurla de colère l’adolescente qui s’attira la curiosité des badauds. Elle réussit à surprendre sa mère qui ne s’imaginait sans doute pas être témoin d’une Wanda colérique. « Maintenant je comprends pourquoi tu pleurais sur l’Ilot Flottant et autrefois lorsque nous avions revu Éléonore. Je m’inquiétais, croyant que tu m’en voulais toujours pour ma tante Pearl… Tu l’aimes toujours n’est-ce pas ? » Elle observa furieusement sa mère. Son silence donna la réponse à la question de Wanda. « Je suis peut-être jeune, moins mâture que toi, mais aimer une soldate et être pirate ce n’est pas compatible. M’man, arrête de souffrir, elle a fait son choix. Tu ne peux pas revenir en arrière et laisser les Ravengeuses de côté. »

« Tu n’imagines pas à quel point je regrette d’avoir abusé de la gentillesse de cette femme ! D'avoir piétiné ses sentiments à cause de ce que je suis ! » gueula encore plus fort la cow-girl. Ses pupilles rondes devinrent des losanges, ceux appartenant à la Vouivre sommeillant en elle. Ses joues prirent subitement une teinte plus blanche, formant des écailles à quelques endroits. « Oui je sais qu’elle a fait son choix, mais tout le monde ne guérit pas aussi vite. D’abord ton père, puis cette soldate. À croire qu’être amoureuse est l’un de mes pires défauts ! » Jaina pointa son doigt en direction du chemin où avait disparu les deux astres lumineux. « Alors ne fait pas comme moi bourgeon de rose. J’ai vu comment tu regardais cette fille. Tu es encore jeune, ignorante de beaucoup de choses. Mais tu peux encore choisir ta destinée. Si tu veux une vie paisible, avoir la chance de trouver l’amour, trace un trait sur la piraterie et enfile un uniforme pour avoir plus de chance. Je ne veux que ton bonheur. »

« Mais… » Elle soupira bruyamment et fronça ses sourcils neigeux. « Je t’ai dit que peu importe les évènements je resterais à tes côtés m’man ! »

« Alors sèche tes larmes Wanda Rosenberg ! Si tu me suis, le désespoir que tu as ressenti aujourd’hui sera encore pire aux prochains lendemains. Soit prête...et ne devient pas un monstre...comme ta mère. » Jaina attrapa la note et s’éloigna de sa fille pour mettre un terme à cette conversation épineuse. Elle paya l’addition, sortit de l’établissement et fit signe à l’adolescente de la suivre. « Allons faire du shopping, ça nous changera les idées. » proposa t-elle à la demoiselle qui finit par accepter par un hochement de la tête… Le capucin, grand muet de cette engueulade, de toute cette histoire, décida de se percher sur l'épaule de sa maîtresse. Il n'avait plus envie d'embêter le louveteau.

Les deux Rosenberg finirent par entamer un chemin opposé de Chang’e et Lulutsu, dans plusieurs sens du terme…