05 - Une simple visite

Depuis plusieurs heures, le loup parcourt les petites allées de la boutique, posant de temps à autre son regard d’un bleu gelé sur des convoitises, tout en y affichant une mine perdue. Cela va faire la quatrième fois que Grynberg parcourt ce chemin et le trésor n’est toujours pas apparu pour le ranger qui commence à désespérer en silence. Peut-être que ceci pourrait convenir. Non, l’autre semble mieux. Ou alors celle d’à côté. L’homme semble vraiment dépité de cette situation imprévue et voilà qu’il se demande pourquoi il s’est arrêté dans un magasin de fleuriste. Soupirant d’agacement, il opte pour des fleurs se trouvant à sa gauche pour ensuite se diriger en direction de la fleuriste. Elle lui demande si ce dernier compte se rendre à un enterrement car le genre de plante qu’il vient de prendre est l’idéal pour ce cas de situation. Ayant un moment d’absence, clignant plusieurs fois ses paupières tout en ressassant les paroles de la vendeuse, le loup est désormais encore plus perdu. « Non. Disons que je cherche des fleurs qui correspondraient à une simple visite…courtoise. » explique calmement Kanan en cherchant toujours dans son esprit pourquoi le bouquet qu’il a choisi correspondrait plus pour une pierre tombale qu’autre chose. Voilà un domaine sur le sujet botaniste que Kanan ne comprendra jamais. Le feu est par exemple son domaine. Tout comme protéger les forêts ainsi que les Pokémons.

Attendant donc que la jeune femme trouve ce que Grynberg recherche, Mordred tente par des petits sautillements à chasser la mouche qui vole un peu trop bas et qui ose gêner le chat électrique. Un petit bon par-là, un deuxième par la suite car c’est gratuit et le troisième manque de faire tomber un vase. In extremis, le ranger sauve le pot en verre tout en jetant un regard d’avertissement au Lixy. Le chaton détourne son regard, adoptant une attitude de ne pas être responsable de sa bêtise. S’il pouvait siffler, il le ferait. Puis, la vendeuse revient avec un léger bouquet tout en adressant une légère caresse au chat, ignorante du drame qui aurait pu se produire. Mordred heureux comme tout se met à ronronner tout en affichant un sourire de triomphe contre son maître…

L’achat effectué, le ranger monte sur sa moto. Enfilant son casque rouge, Lixy quant à lui mordille ses lunettes de protection comme s’il s’agissait d’un jouet. Avec patience, sans s’énerver, grâce aux nerfs d’acier du propriétaire de ce Pokémon, les lunettes sont attachés sur le crâne du chat afin de protéger les petits yeux de démon durant le voyage. Faisant rugir le moteur, remontant la fermeture de son blouson bleu, Kanan reprend la route pour quitter le centre-ville de Feranium. Aujourd’hui est un jour de repos pour le protecteur des Pokémons et de la forêt. Fatigué de ses longues heures de service, le loup était devenu assez irritable envers ses collègues voire même avec des gens qui cherchaient un peu trop la petite bête. Prendre du repos est pour Grynberg le seul remède bien qu’il n’aime pas forcément ne rien faire de ses journées. Alors, il avait eu l’idée de rendre visite à une personne en particulière. Caitlin, la fermière se trouvant normalement à l’extérieur de la ville si ses souvenirs sont encore exacts. C’est extrêmement rare que l’orphelin rend visite à quelqu’un, lui qui s’est fermé dans sa coquille de glace, craignant d’être à nouveau déçu du genre humain. Pourquoi donc rendre visite à une jeune femme qu’il ne connaît que d’une simple rencontre ? Kanan l’ignore, juste qu’elle est différente des autres personnes.

Prenant une route goudronnée menant à la forêt, dépassant la limite autorisée à cause de sa passion pour la vitesse, le loup arrive à sentir au loin un danger guettant. Ralentissant, il finit par stopper le moteur de sa moto en laissant passer un groupe de Balignon. Le ranger ne pipe aucun mot, n’émet aucun geste pour ne pas effrayer les passeurs. C’est toujours un plaisir et une chance d’observer ces créatures sauvages. Ils sont bien mieux dans la nature plutôt qu’enfermé dans les Pokéball. En fait, mieux vaut pour l’homme d’arrêter de penser à ce sujet car il serait encore partie pour broyer du noir contre les gens irresponsables. Lixy en est la preuve, lui qui a été battu par son ancien propriétaire…

Reprenant la route, il faut quelques minutes pour retrouver le chemin amenant à la ferme de Caitlin. Un environnement bien plus accueillant que la ville si bien que ça donne envie au ranger d’acheter à l’avenir une maison dans la campagne, loin des gens, loin des problèmes, loin du chaos. S’enlevant de son destrier mécanique, retirant les lunettes de son chat qui attrape une boîte de cookies par le biais de sa gueule, Kanan décide quant à lui de transporter le bouquet de fleurs. Les gens offrent des fleurs en rendant visite à quelqu’un donc le solitaire tente de faire la même chose, par courtoisie. Frappant à la porte du domicile, les yeux d’iceberg de l’orphelin se figent sur le canasson de feu se trouvant non loin de lui. « Salut toi ! Tu m’as l’air en pleine forme ! » dit-il au Ponyta porteur du surnom de Maximus.

Le bouquet de fleurs n’était pas vraiment une bonne idée. Caitlin lui raconte qu’elle n’aime pas qu’on lui offre des choses. Il finit par fixer un instant le bouquet puis la femme en face de lui, enregistrant bien cette information pour ne pas reproduire la même erreur. Bizarre. La plupart des gens aiment recevoir des cadeaux. Il hausse ses épaules, tout en évitant de s’excuser suite aux autres paroles de la Raiponce. Il aimerait avant tout éviter de recevoir un coup de pied au cul et du plomb aux pieds par le biais de cette Mcdunn. Dans tous les cas, ça petite réplique arrive à donner un léger sourire au loup solitaire. Ça réplique est très inattendue et assez amusante à imaginer, en étant bien entendu pas la victime des menaces de cette redoutable Caitlin. « Message reçu madame Mcdunn. » répond la Ranger en effectuant un bref salut militaire pour accompagner sa phrase.

Un sucre, puis un deuxième, puis un troisième ainsi qu’un quatrième. N’avez-vous jamais aimé un sucre au café ? Kanan adore ça. Ce breuvage redonne un peu plus de goût bien que ce ne soit pas très bon pour la ligne. Son index enroule la queue de la tasse, cette dernière est soulevée pour verser le liquide noir à l’intérieur du gosier de Grynberg. Il manque presque de se brûler un peu la langue mais la douleur n’est que passagère. Il fera plus attention la prochaine fois. Virant son attention derrière lui, une porte vient de s’ouvrir laissant entrer une enfant, une petite fille qui se cache automatiquement derrière Caitlin. De ce fait, le Ranger ne voit pas tout de suite le Caninos. De sa petite bouille, il pense que la demoiselle doit être la fille de Caitlin. Si le loup est très froid envers l’inconnu, ses défenses tombent immédiatement avec des enfants qui ne sont pas encore en période d’adolescence. Sûrement le fait que Kanan a été orphelin et qu’il s’occupait des autres gosses en tant que grand frère. C’est ainsi que l’impassibilité de son visage tombe pour donner un peu plus de naturel à Grynberg.

De sa main, il adresse un petit coucou à l’adorable inconnue puis se fige en découvrant un Caninos qui se pose à côté de l’enfant. Ses mains se misent à trembler et l’homme a failli renverser sa tasse. Manque de pot, du café vient de tacher un peu son jean, au niveau du genou. Il peste intérieurement, évite de s’excuser et dépose la tasse sur la table. Sa main se plaque contre visage, sa mâchoire inférieure frappe la supérieure après avoir ressenti une vive douleur à la tête. Des souvenirs du passé surgissent à nouveau. De ce moment où son Caninos l’a sauvé d’un incendie avant de disparaître dans l’éboulement de l’immeuble… Une larme manque de tomber de son œil droit mais le loup évite de montrer cette faiblesse bien que ses yeux rayonnent d’une profonde tristesse et de culpabilité.

Edelweiss pour la gamine. Lili pour la Caninos. Les présentations sont faites, et Kanan se ressaisit pour se présenter à son tour après avoir reçu des bonjours charmants de leurs parts. « Moi c’est Kanan. » déclare doucement le loup orphelin en diminuant la sombreur de sa voix. « Heureux de vous rencontrer. » Il retire son gant, puis rapproche sa main en direction du chien Pokémon. Le Ranger ne fait aucun geste brusque, plaçant juste sa paluche sous le museau du Caninos pour qu’il sente son odeur. Un geste amical en guise de présentation.

« Pour répondre à ta question, je connais les bois alentour. Je n’ai pas trop eu de mal à trouver la route. » signale le Ranger pour répondre à la question de la mère d’Edelweiss. Il reprend son attention sur l’enfant puis lui sourit doucement d’une manière sincère et non fausse. « Edelweiss, tu as une charmante gardienne dis-moi. L’une des meilleurs en vérité. » avoue le Ranger en repensant à son ancien coéquipier qui a sauvé d’innombrables personnes à ses côtés. Se redressant après avoir plié ses genoux pour être à la hauteur de Lili et Edelweiss, Kanan termine d’une trotte son café. « Bien meilleur que celui de mes collègues. » dit-il en montrant la tasse de son index. « Tu as une recette à me proposer ? » demande le loup d’un léger ton plaisantin, se détendant légèrement au lieu d’être constamment sur ses gardes. « Ma foi, je ne refuse pas une petite visite. »

Pendant un instant le Ranger voyait devant lui son ancien compagnon désormais au paradis d’Arceus à la place de cette ravissante Lili. Il pouvait y remarquer la légère cicatrice sur l’arcade sourcilière gauche, ou encore de ce regard remplit de complicité. Le cœur de Kanan est subitement devenu lourd comme de la pierre. Son passé le hante à nouveau, lui refaisant ressasser le tragique accident de l’incident et de l’éboulement. Encore et encore donnant de plus en plus de culpabilité à Grynberg. C’est sans doute à cause de cet instant que l’ancien pompier a changé, qu’il n’est plus devenu le même qu’avant. En fait, une partie de lui est mort en compagnie de son ami canin. Il n’y a que le mauvais qui est resté en lui, voilà la raison de son dégoût pour les gens, de son mauvais caractère ou encore de sa façon d’être trop distant. Au final, le solitaire est en train de penser que venir à cette ferme devait être une très mauvaise idée. Après tout, il n’est pas vraiment une personne fréquentable et bizarrement, il s’en voudrait de décevoir la fermière, mère de cette gamine et propriétaire de cette Caninos.

Il soupire discrètement, chassant les pincements de son cœur puis se raidit sur la question, les paroles de Caitlin à propos du Caninos. Pendant un court instant il ferme les yeux, son regard se cache sous l’ombre de ses cheveux, il ne sourit pas, le voilà impassible comme jamais. Kanan se cache derrière une coquille de glace, honteux d’avoir causé la mort de son ami, d’une partie de lui, du seul être qui arrivait à le comprendre. Azufel lui manque terriblement, s’était un petit frère à ses yeux, un membre de sa famille…

Alors, quand l’heure est potentiellement venue pour donner des explications à Mcdunn, le jeune homme finit par se relever, à ouvrir légèrement sa bouche mais ses mots sont stoppés par l’action de Caitlin. De sa main levée, Kanan comprend par le geste que ce n’est pas le moment d’en parler ou peut-être que cette chose personnelle doit être gardée et non révélée. Il détourne son regard, chassant la tristesse qui brille soudainement depuis le bleu acier de ses yeux. Un paquet de café d’Alola est sorti puis les explications de la recette du fameux café sont révélées à la manière d’un prétendu Graal pour l’adorateur du café.

Par réflexe professionnel, Kanan ressort un petit carnet de sa poche ainsi qu’un stylo afin de noter les instructions. Il préfère que ce soit encré sur un bout de papier. C’est plus facile à retrouver que de chercher dans son esprit bordélique. « Trois bonnes doses pour une cafetière pleine… » chuchote dans sa barbe invisible (car elle est bien rasée en vérité) le ranger en émettant sans s’en rendre compte un sourire amusé. Son collègue de bureau pourra enfin arrêter sa recette dégueu et apprendre à goûter ce qu’est vraiment un véritable café. Il se met à réfléchir, lève son visage, tapote le derrière de son stylo contre sa lèvre inférieure puis il finit par écrire en titre de la recette : Café McDunn. Tout en dessinant à côté une tête de Ponyta, celui de Maximus en vérité d’une précision redoutable. « Ça va changer la vie de mes collègues, crois-moi. » avoue-t-il à Caitlin en rangeant son carnet dans la poche arrière de son jean. Suivant par la suite la fermière, Kanan ose fixer une dernière fois la Caninos comme pour s’assurer que l’image de son compagnon vient de disparaître, ce qui est le cas.

Effectivement, en écoutant les paroles de Raiponce, le Ranger connaît les bois alentour mais aucunement ceux de la propriété. Il acquiesce silencieusement à cette vérité tout en tendant son bras gauche à la manière d’une aile d’avion lorsque Mordred est réapparu, jouant le funambule sur le membre tendu du jeune homme. Le chenapan est vraiment incorrigible par moments. Au moins, les journées sont plus réjouissantes, moins moroses à ses côtés. « Je vois…j’y ferais gaffe. » répond le Ranger qui n’est pas rassuré tout à coup. Il a arrêté de compté le nombre de fois où des Pokémons l’ont mordu quand il était en mission. La plupart ont blessé Grynberg après avoir été blessé par soit des Pokémons, soit des êtres humains. Quelques cicatrices ornent son corps dont principalement ses bras mais c’est devenu une routine. L’orphelin n’en a jamais voulu à ces créatures. Il est juste dégoûté qu’ils soient des victimes de violences gratuites. C’est une des raisons de pourquoi le loup a choisi la voie des Rangers. Pour protéger les Pokémons qui en auront besoin. Mais aussi pour préserver leur habitat naturel comme les forêts, les prairies. « Tous ceux qui sont dans la ferme t’appartiennent ? Où comme quelques personnes tu as installé un refuge pour ces derniers ? » demande curieusement le Ranger qui grimace légèrement en sentant les griffes de son chat électrique perforer la peau de son bras. « Et t’inquiètes pas pour les morsures. C’est devenu une routine depuis que je suis Ranger… » dit-il d’une manière un peu amusée bien que ce ne soit vraiment pas agréable ce genre de situation…