Runaway Baby

Fuir, c'est un bien grand mot pour Akiza Kyoko. D'habitude, la jeune chanteuse use de son maximum pour ne jamais abandonner, poursuivre sans relâche les efforts pour ne jamais tourner le dos à son chemin initial. Pourtant, ce n'est pas la première fois que l'artiste en herbe utilise ce stratagème pour se sauver la mise. La première fois c'était contre sa mère qui désirait voir sa fille la future patronne du dojo de kendo. La deuxième fois ce fut son père qui avait mis en œuvre pour que sa chipie débute des études de détective. De ces deux chemins, la demoiselle a préféré tourner le dos à sa famille pour s'abandonner au chant et à la musique. Une voie qui au final lui permet de vivre de sa passion sans contrainte. Du moins, c'est ce que l'inconsciente pensait. Géralt Izinski se montre sûrement plus attachant, plus adorable que les parents de la Lady du Rock mais il cache en lui une part d'ombre qui fait souffrir la désespérée. Si la chanteuse détenait la clé pour sortir de sa cage confectionnée avec soin par ses parents, la rockeuse est de nouveau prisonnière dans une prison plus résistante, plus grande, plus effroyable, construite par son coach...

Alors, lorsque Helldorado lui propose de fuir, lorsque la cage s'ouvre pour la première fois, la demoiselle saisit cette occasion qui ne se présentera pas de sitôt. Son cœur effectue des rythmes entraînants qui lui donne une adrénaline revigorante. Son sourire désespéré devient plus heureux, plus joyeux. Elle aimerait hurler de sa liberté dans les rues, mais Aki se retient. Dans tous les cas, cette journée promet d'être fort agréable. Même si Helldorado ne dispose d'aucune idée pour la suite, elle est d'accord sur un point. Ils trouveront bien un truc car peu importe l'endroit, cela ne doit pas être pire que le studio. « Je te laisse choisir pour la bouffe, disons que mes goûts alimentaires ne sont pas très appréciés par ceux que je côtoie. » Elle ricane, repensant à Yûna la guitariste du groupe qui a passé sa soirée à boire de l'eau à cause des goûts très épicés d'Akiza. « J'ai un grand amour pour la nourriture très épicée. »

Un gémissement très léger se fait entendre dans le manteau en cuir de la rockeuse. Cela ressemble à un bâillement d'après les oreilles de Kyoko. Puis, juste après cette supposition, Anduin le Pichu de la demoiselle émerge de la poche intérieure de son blouson en cuir. Il se débarbouille, frotte ses petits yeux et se remet à bailler. De son index, la rockeuse chatouille le menton de la souris électrique qui apprécie dès son réveil de cette tendresse gratuite. D'ailleurs, Kyoko remarque seulement maintenant les compagnons d'Helldorado. Un Miaouss et un autre Pichu. Cependant sa souris électrique dispose d'une forme originale, particulière. Il ressemble à un vrai rebelle d'autant que son regard n'annonce rien de bon.

Les pas de la rockeuse se stop au moment où l'autre chanteuse reprend la parole à propos des marionnettistes. De son point de vue, les deux lascars méritent une approche, une description plus directe ce qui amuse Akiza Kyoko qui est malheureusement trop respectueuse envers son prochain. Une qualité mais aussi un défaut. « Je peux dire enfoiré pour mon coach si tu veux. » dit-elle en détournant son regard tout en haussant ses épaules. « Ça lui correspond bien au final. » ajoute-t-elle faiblement en repensant à tous son temps libre de perdu à cause de cet odieux personnage. « Navré, je n’ai pas d'autres mots pour lui, du moins pas dans l'immédiat. »

Reprenant sa route, la Lady du Rock se retourne quelques secondes en ayant eu un brin d'inquiétude pour sa dragonne qui est restée derrière. Ça lui pèse à devoir lui laisser le sale boulot mais au moins Alexstrasza arrivera à faire gagner du temps. Elle qui est la plus féroce de l'équipe, elle qui ressemble à une reine des enfers. « Il m'étouffe. Il m'étrangle petit à petit. Il m'empoisonne. » répond Aki sans réfléchir à Helldorado sur la question de cette dernière par rapport à son coach. Des paroles provenant du fin fond de son cœur brisé, en miettes. « Je remarque seulement maintenant, comme une idiote, comme une conne, que ma vie devient un enfer à cause de cet homme. » dit-elle en enfilant des mitaines à ses mains. Akiza marque une pause, laissant la chanteuse repoursuivre la conversation. « Enchantée, Hell. Appelle-moi Akiza ou Aki comme tu préfères. »

D'une grande rapidité, la chanteuse envoie un smiley en forme de cœur à Mercurio par message. Puis, la demoiselle éteint son téléphone, retire une épingle à cheveux de sa tignasse rose pour démonter son téléphone. Ainsi, la chanteuse jette sa carte SIM à la poubelle et son téléphone dans une autre qui se trouve dans une rue différente. Un procédé pour éviter d'être tracé par la Police ou par un simple GPS car Géralt en serait fort capable. Une leçon apprise par son père détective. « Et toi ? Tu t'enfuis toujours pour mener la vie dure à ton" connard" de coach ? »

L'une des premières choses lors d'une fugue c'est de se débarrasser de son téléphone. Une leçon apprise par son père détective qui ne donne plus aucun signe de vie depuis disons...plus de dix années. Les forces de l'ordre usent constamment de ce stratagème pour géolocaliser le prétendu disparu. Suite alors, une déclaration de disparition inquiétante sera écrite dans un commissariat pour ensuite être classée dans un logiciel spécialisé. Ça marche rapidement pour les mineurs, en revanche pour les majeurs tels que la chanteuse, il faut plus de vingt-quatre heures avant d'être signalée disparue. Se débarrasser de son téléphone n'est donc pas très indispensable, sauf pour Akiza Kyoko qui est limite tenue en laisse par un homme qui cache bien trop son jeu. C'est épuisant pour elle de n'avoir presque aucun jour de repos car son coach est constamment présent pour empiéter dans sa vie privée. À croire qu'il joue le rôle de petit ami et même les médias croient à cette idée. Combien de news parlaient de cette théorie ? Que la rockeuse sortait en secret avec son coach... Il en faut bien peu pour faire remuer la toile de l'internet et la jeune femme se rend compte bien trop tard qu'être célèbre est assez dangereux.

Revenant à la réalité par les paroles d'Aylah, la Rose est très surprise par les aveux de cette dernière. C'est assez rare de rencontrer une femme qui aime également la nourriture épicée et c'est avec joie qu'un sourire étire les lèvres de l'amoureuse de la musique. « Les restaurants de ce genre sont assez courants à Artiesta. » dit-elle en comptant dans son esprit le nombre de fois où elle s'est rendue dans des établissements de ce genre. Le nombre s'élève à cinq si sa boîte musicale interne fonctionne toujours aussi bien. La nourriture épicée, un grand amour entre elle et la chanteuse. Son premier repas de ce genre remonte à son enfance car en vérité c'est une tradition familiale. Sa mère aime en préparer, son grand frère en raffole. Y'a juste son paternel qui court pas après ce genre de plat. Une mauviette d'après sa mère et c'est l'une des rares fois où Aki était d'accord avec sa maman.

Soudainement, l'attention de Kyoko se tourne sur le Pichu pas comme les autres se trouvant sur l'épaule d’Alvarez. Si le mot rebelle est dans le dictionnaire, il semble correspondre à celui du Pokémon d'Helldorado. À priori énervé, cherchant limite la bagarre. Si la menace ou plutôt l'ordre d'Aylah oblige le teigneux à se calmer, la coordinatrice n'est pas très rassurée de cette situation imprévue. Celui d'Akiza, porteur du prénom d’Anduin en rapport à un livre d'un monde imaginaire déchiré entre deux factions, cache du mieux qu'il peut ses pulsions de répondre à la provocation du caïd en face de lui. Fort heureusement, Anduin n'est pas comme la Dracaufeu d'Akiza qui est restée derrière afin de gagner du temps aux deux jeunes femmes. De toute son équipe, Alexstrasza est la plus combative et la plus redoutable du lot. Mieux vaut ne pas la contrarier sous peine de brûler en enfer...

Croisant ses petits bras trop chou, détournant aussi son regard, le Pichu de la rockeuse retire de sa petite caboche l'existence du caïd. La situation se calme mais cette fois c'est aux deux chanteuses de faire monter légèrement la tension. D'une manière plutôt sincère Helldorado lui exprime sa pensée à propos du sujet sur le téléphone, la rockeuse reste impassible. « Hell. » commence à répondre la Lady du Rock. « J'ai mes raisons de sacrifier mon téléphone pour cette sortie imprévue. » Elle se met à lui sourire doucement, un geste qui se veut être rassurant. « Je suis prête à réaliser ce fait pour au moins profiter de cette journée. Celui qui gère mon groupe est prêt à remuer ciel et terre pour me retrouver. Je suis même prête à parier qu'il est déjà en train de rendre visite à mon petit ami pour me remettre en cage. » Elle soupire puis cale désespérément ses mains contre le mur d'un bâtiment. « Je serais limite prête à porter plainte pour harcèlement mais j'ai peur de mettre en danger le groupe entier... »

Donnant un léger coup de poing sans se faire mal contre l'édifice en béton, la coordinatrice reprend sa route avec Aylah pour arriver à une galerie marchande. Aussitôt, Akiza cache sa tignasse rose par l'intermédiaire de sa capuche. Au moins, elle se fera moins remarquer par la couleur peu habituelle de ses longs cheveux. « Si c'est pas vraiment ton coach alors il représente quoi ? C'est pas lui qui "finance" ta carrière ? » demande la curieuse en tournant son visage sur une épicerie alimentaire. « Tu préfères le restaurant ou bien trouver un truc simple dans cette boutique ? » questionne la Rose en détournant sa silhouette sur une patrouille pédestre de Police qui venait d'emprunter la galerie marchande.

Il est vrai que donner un coup de poing contre le mur est assez cliché, comme le précise si bien la chanteuse fuyarde. Pourtant, la Rose n’a pas pu s’empêcher de réaliser un tel geste. Sûrement commandé par sa frustration, colère et fatigue de ce Géralt Izinski qui lui en demande beaucoup trop tout en l’étouffant à petit feu. Porter plainte serait une bonne idée mais la Lady du Rock est effrayée de réaliser le premier pas. Si elle n’était pas chanteuse, les démarches seraient bien plus simples à réaliser. Malheureusement ce n’est guère le cas. Son groupe pourrait se dissoudre, les Red Leaf souffriront à cause des médias, de leur réputation et autres éléments qui s’ajouteront à cette terrible nouvelle. Akiza souhaite à tout prix protéger ce groupe de musique qui a réussi à lui redonner de l’espoir depuis qu’elle est gosse. Leur musique permettait à Kyoko de se ressaisir car chaque message des chanteurs montrait qu’il était possible de se relever de la déprime, de la laisser tomber pour aller mieux. Alors, quand Hell par sa sincérité crue lui avait posé une colle sur ce sujet, Akiza Kyoko ne savait pas quoi répondre. Elle est impuissante. Les mots n’arriveront pas à sortir de ses lèvres. Elle préfère alors détourner son visage, littéralement agacée d’être incapable de trouver une solution.

« Désolé… » réussit-elle à dire par le biais de ses cordes vocales pour le coup de poing contre le mur. La voix forte, autoritaire d’Helldorado a permis à la rockeuse d’émettre un seul mot. Elle l’envie, secrètement, car la vie serait peut-être plus simple à gérer si Akiza détenait un caractère comme cette jeune femme en face d’elle. Hausser la voix, être autoritaire sont des choses qui dépassent tout le temps la timide qu’est Kyoko. Un jour où l’autre il faudra qu’elle se réveille au lieu de se faire continuellement marcher sur les pieds. Elle a beau jouer parfois la demoiselle forte, ce n’est au final qu’un mensonge créé de toutes pièces. En tout cas, hors de question de frapper qui que ce soit. La violence c’est pas son truc, même si Akiza est assez douée en kendo.

Laissant Aylah prendre les devants, Kyoko enfile à nouveau ses mains dans les poches de son blouson en cuir noir tout en shootant dans un petit gravillon sur le bitume de la route. Légèrement paumée dans ses pensées, dans sa fameuse boîte à musique, elle ne remarque pas les différents magasins se trouvant dans la galerie marchande. Y’a que Anduin qui fait attention. Salivant sur une boutique de sucreries. Puis le voilà impressionné en découvrant des bijoux bien entreposés dans une vitrine de joaillerie. Les trésors scintillent dans les iris sombres de la souris électrique qui effectue un petit o avec sa bouche. Tout ce nouveau monde le captive, lui qui n’a connu que la prairie, les hautes herbes et les arbres comme lieu de vie.

Revenant à la réalité par les paroles d’Hell qui lui avoue ne pas vouloir parler de la personne qui s’occupe de sa carrière, Akiza hoche doucement son visage, s’avisant à l’avenir de ne plus revenir sur ce sujet. Aucunement l’envie de la gonfler avec ça, surtout que c’est pas ses affaires. Mais si jamais Helldorado désire en parler la chanteuse l’écoutera attentivement sans lui manquer de respect. À la manière de deux amies, même si ce terme est bien trop élevé entre Akiza et Aylah. Ce sont justes des collègues de travail qui ont simplement un métier similaire. N’oublions pas que les deux aiment la nourriture épicée ce qui rajoute des points positifs à ce début de relation, bien que ce ne soit finalement pas le cas pour les deux Pichu.

En parlant de nourritures épicées, le ventre de la chanteuse se tord de droite à gauche, lui signalant que l’heure du repas devrait arriver. Elle prie intérieurement que son estomac évite les bruits car elle ne serait pas où se mettre par honte alors que c’est une chose normale pour toute personne. De par la question d’Alvarez qui signale un restaurant du nom de Kantonais, la Lady du Rock s’empresse de regarder le menu qui est collé à la vitre, près de la porte d’entrée pour au final remarquer stupidement que c’est un restaurant à volonté. Comme l’a si bien précisée sa collègue, tout à l’heure. La bonne nouvelle, c’est que le prix de base n’est pas aussi coûteux c’est même exorbitant comme c’est pas cher. « Je suggère d’aller au magasin après avoir mangé dans le restau. J’ai trop la dalle… » commence à dire Akiza en grimaçant légèrement à cause de la faim qui la tiraille. De plus, le magasin en face vient de fermer car une des personnes travaillant dedans vient de déplacer l’enseigne d’ouvert à fermer. Sûrement pour le temps du déjeuner.

Alors, d’un pas décidé, Aki ouvre la porte du restaurant Kantonais puis à l’arrivée d’un serveur, elle demande une table pour deux. « Vous me dites quelque chose, vous ne serez pas chanteuse ? » demande l’homme qui conduit les deux femmes à une table. Une question vague, adressée soit à Akiza, soit à Aylah, soit aux deux mais dans tous les cas, une simple photo sur les réseaux sociaux pourraient ruiner la journée d’aujourd’hui. Fermant doucement son poing gauche, prenant son courage à deux mains car sa timidité souhaitait à nouveau l’emprisonner, Akiza décide de prendre les devants. « Du tout. J’aime pas chanter. » Elle pointe son index en direction d’un homme qui semble s’étouffer, enfin ça y ressemble car son visage est rouge comme une tomate. Le piment rouge a peut-être eu raison de lui. « Je crois que le type là-bas a besoin de vous, monsieur. » préviens la Rose au curieux pour qu’il évite de trop s’intéresser à sa question de tout à l’heure.

Après être arrivée à table, pour avoir ensuite commandé sa boisson, la chanteuse n’attend pas une seconde de plus pour saisir une assiette et se diriger aux différents plateaux. L’odeur des épices, des piments, de cette nourriture exotique faisant défaut à pas mal de gens, enivrent les narines délicates de l’amoureuse de la musique. D’une assiette désormais bien remplie, elle revient à table, puis commence à dévorer son plat. « Qu’est-ce qui t’a amené à aimer la musique ? À chanter ? » questionne Akiza, curieuse de connaître un peu plus la personne en face d’elle. « Oh eh, comme promis, je te paye le restau. Si ça te gêne pas, bien entendu. »