I fought the War (but the war won)

Une nouvelle fois la Révolte foule les terres de ce pays qui lui a causé beaucoup trop de mauvais souvenir. La prise de la Bastille, la famille du Maréchal De Buzancy, la manifestation encore et toujours à Paris au mois de Mars. Peu de choses positives respirent chez ces Français et cela écœure la Duchesse qui sort de son train venant d’Allemagne en compagnie de ses jumelles servantes. Des gamines abandonnées par leurs parents biologiques, vouées à un avenir dans les rues de Londres pour voler du pain et de l'eau afin de survivre. Leurs destinées ont changé depuis que la Louve Blanche a recueilli les petits louveteaux. Même si elles font le travail ingrat de servir une femme inconnue, qui détient leur vie entre ses griffes, jamais l'Anglaise sera mauvaise envers eux. D'ailleurs, elle ne tarde pas à tomber très vite dans son côté bienveillant, attentionnée car lorsque Cassidy découvre un magasin de poupées, la noble décide de tuer un peu de son temps en offrant aux jumelles, à chacune, une poupée d'un prix exorbitant. Une maman poule ? Oui, c'est un de ses défauts, car Cassidy aime beaucoup trop les enfants, c'est d'ailleurs pour cette raison, que l'albinos a adopté Phoenix pour qu'elle devienne sa fille à elle et à personne d'autre. Les deux jeunes filles se mettent à sourire, remerciant un peu trop la Duchesse qui est légèrement agacée d'avoir cette gratitude qu'elle ne mérite aucunement. Mais elle ne dit pas un mot, ne se plaint pas, finissant juste par ébouriffer les cheveux de ses deux petites rebelles.

Sa venue dans cette ville n'est pas anodine. Elle est ici pour le travail. Il n'est pas question de son Prince car son état à elle reste très inquiétant depuis le sauvetage de Bonnie et des complications qui sont intervenus à partir du milieu de Juillet. Son corps lui fait mal, chaque pas est une torture. Mordred semble être revenu car la Duchesse est capable d'utiliser à nouveau les pouvoirs de la Révolte, cependant la Dame noire ne pipe aucun mot, comme si sa langue venait d’être coupé par le Maréchal de glace. Sa puissance est légèrement revenue oui, aux mains de la Duchesse, sauf qu'utiliser ces choses, la meurtrit, la torture constamment. Elle a l'impression de brûler de l'intérieur, de succomber à des ténèbres froides et terrifiantes. Pouvoir vivre tranquillement avec sa femme n'est pas encore d'actualité. Mais revenons au sujet de sa venue. Oui, la Duchesse se déplace pour sa Reine Victoria qui se plaint sans arrêt de ses enfants qui lui ont empêché de profiter des plaisirs de la vie mais surtout de son époux. Aujourd'hui, la Conseillère doit retrouver la trace d'un criminel, menaçant la couronne. Sa survie n'a aucun impact pour le pouvoir, il s'agit juste d'emmener ce tueur en fuite devant la justice...

Un simple humain, un vulgaire scélérat de bas étage n'est pas un danger pour la louve qui est obligée de s'aider d'une canne pour marcher. La faute à sa malchance de toujours tomber sur des élus de l'Innocence. Espérons que son voyage se passe sans accroche, un espoir dont Cassidy ne se fie absolument plus. Désormais prudente, la Baronne ne désire plus se retrouver proche de la mort pour une troisième fois et encore moins de subir la terrible colère de sa femme.

Lorsque ses crocs se plantent dans la peau juteuse et sucrée d'une pomme, lorsque sa langue se délecte de la sensation et de la douceur du fruit, son palpitant effectue un bon de panique lorsque l'odeur de l'Innocence pollue l'air des environs. Le goût de sa pomme devient fade, amer, dégoûtant à tel point que Cassidy se retient de cracher les morceaux de pommes mâchés situées encore dans son gosier. Elle avale difficilement, se retourne pour chercher la cause de sa tranquillité et repère au loin, une rousse de dos qui est mélangé à la foule. Automatiquement, son estomac se retourne, obligeant la louve à utiliser son mental pour ne pas régurgiter sa pomme ainsi que son petit-déjeuner et potentiellement une maigre partie de son repas du soir. « Les filles. » gronde l'hôte de Mordred qui tente de savoir si la rousse détient des alliés en scrutant les alentours de son regard rouge sang. « Aller à l'hôtel près de la gare. Prenez une chambre à deux et fermer la porte à clé. » Elle verse une bourse inondée de pièces de monnaie à l'une des sœurs. « Je vous rejoins plus tard. »

C'est en prenant le soin de surveiller si ses servantes obéissent correctement, ce qui est le cas, que Cassidy emprunte un chemin pour par la suite, en plusieurs minutes, couper la route à la rousse. Ses yeux sont désormais des pépites, sa peau grise est de sortie, et ses vêtements sont désormais ceux qu’elle a portés lors de la bataille pour récupérer Bonnie. Une tenue la faisant ressembler à une cowgirl. De la tête aux pieds, elle reluque ce démon qui ose s'accoquiner avec l'Innocence, ce maudit cristal divin qui ne dégage aucune beauté mais le chaos et la destruction au sein de sa famille ; les Noés.

« Pas un pas de plus. » avertit la louve en montrant ses crocs et son pelage hérissé. « Évite aussi d'utiliser l'Innocence, vous avez fait assez de ravage en Écosse. » dit-elle d’une voix en colère en repensant aux victimes écossaises qui n’ont toujours pas de foyer à l’heure d’aujourd’hui. Elle tire son chapeau pour mieux cacher ses stigmates et ses orbes de lumière tout en se maintenant avec sa canne où le manche est une tête de loup albinos, l'emblème des Danvers. « À qui ai-je l'honneur de rencontrer ? Et pourquoi tu ne portes pas l’hideux uniforme réglementaire comme un vaillant soldat ? »

Bien appuyée sur sa canne, la louve apprend donc l’identité de la demoiselle qui se nomme Audrey. Une réponse plutôt bien rapide. Soit la rousse est très polie, soit extrêmement stupide, soit ment-elle. Fronçant ses sourcils fins de couleur neige, la cowgirl se contente de simplement hocher son visage à la réponse à sa question. Préférant ne pas s’éterniser sur ce sujet qui n’est pas vraiment intéressant pour la Duchesse. Machinalement, de l’agacement ressortant de son être l’oblige à tapoter le pied de sa canne plusieurs fois sur le sol. Pourquoi être agacé ? Tout simplement car la rouquine vient de lui donner une forme d’ordre. La personne qui arrivera à commander l’albinos -excepté bien entendu le Prince Millénaire et la Reine d’Angleterre- n’est pas encore née. Ses doigts porteurs d’un vernis noir tapotent un à un le pommeau en forme de tête de loup de la canne. Son estomac se met à gronder, à réclamer de la nourriture. Son esprit écoute les remarques révoltantes sur l’abomination de l’Innocence par le biais de sa nature de Noah. Mais il est hors de question de causer des pertes civiles pour un règlement de comptes. La situation ne le permet pas à l’heure d’aujourd’hui. Pourtant, il est difficile pour Cassidy d’ignorer sa faim qui grandit à chaque instant depuis que la Warchief vient de rencontrer son ennemie. Tout cela est dû à l’effet de l’Innocence de la gamine. Si seulement elle n’en possédait pas. Cassidy Danvers aurait voulu lui proposer un thé, ou bien simplement passer son chemin en retrouvant ses gouvernantes.

Un long soupir non bruyant et discret ressort de la gueule de la Louve Blanche. Son regard d’or continue de fixer sans relâche la silhouette féminine de la demoiselle qui commence à partir. À ce moment, lorsque la distance les sépare de plus en plus, la fourbe décide de montrer les crocs dans l’ombre. Ses narines bougent, sa vision se met à chercher, les sens de son don naturel agissent à la manière d’une tête chercheuse. Manipulatrice comme l’a souhaité son grand-père Conor, la Conseillère de la Reine remarque un homme qui se plaint d’avoir perdu son porte-monnaie. Derrière sa position, un autre mâle réclame de la nourriture en mendiant dans la rue. Se mordant la lèvre inférieure, la Duchesse sent son cœur lui pincer. L’idée de se servir de ce qui germe dans son cerveau ne lui plaît pas du tout. Pourtant, Cassidy doit le faire. Pour protéger sa famille à elle. Pour la cause des Noahs. Pour la victoire de cette foutue guerre qui l’a déjà énormément blessée.

Alors, discrètement, après avoir repris son apparence humaine, la Louve Blanche enfile son masque de manipulatrice. Son index se pose sur le dos du volé qui cherche encore son bien. À ce moment, le don naturel de la Révolte, la fumée pourpre de la Noah s’infiltre dans l’organisme de sa victime, à la manière d’un parasite, d’un poison. Ne voit-il pas que l’Exorciste est la voleuse que le pauvre désespéré recherche ? Pointant la Française de son index osseux, la manipulatrice désigne le coupable tout en lui donnant discrètement un Colt Single Army de son Trésor de la Révolte. Bien entendu, l’arme redevient normale et non surnaturelle aux mains de la victime. « Je l’ai vu ranger votre bourse d’argent dans sa poche. » souffle la demoiselle d’une voix envoûtante et terriblement séduisante. « Pourquoi ne pas utiliser votre arme pour vous révolter de cette injustice ? » demande la louve en se reculant de plusieurs pas pour laisser sa marionnette agir.

Puis, la carnivore dépose plusieurs pièces d’argent dans le bol du mendiant. Ce dernier est terriblement confus de cette générosité tombée du ciel. Il voit donc sa sauveuse plier ses genoux et lui adresser un doux sourire. L’ongle de son index caresse la joue du pauvre et c’est à cet instant que la fumée pourpre de la Révolte s’infiltre désormais dans sa victime. « La demoiselle rousse un peu plus loin est une bourgeoise qui déteste les gens comme vous. » déclare d’un chuchotement mauvais l’albinos qui fabrique son deuxième pistolet pour son autre victime. « Cédé à votre révolte, il est de temps de faire passer un message aux nobles, ne pensez-vous pas ? »

Deux pions sur l’échiquier de la louve s’avancent pour régler des comptes envers la rousse innocente du nom d’Audrey, si tel est sa véritable identité. Spectatrice du numéro qui va se dévoiler, la Duchesse sous ses vêtements de Reine du Crime, de cowgirl, reprend la dégustation de sa pomme en ne pipant aucun mot. Elle préfère se fondre dans la masse, pour guetter une occasion de mordre le morceau de viande d’Innocence. Alors, malheureusement, le volé et le mendiant suivant la demoiselle pointent tout à coup leurs armes sur cette dernière. « Rends-moi mon argent ! » hurle de colère et de révolte le volé à Audrey. « Pourriture de bourgeoise ! » jure le mendiant en crachant sur le sol.