Un Scandale à Buckingham

Tu patientes et tu fixes en silence un majordome de la Reine d’Angleterre qui effectue les cent pas à l’intérieur d’un bureau très luxueux. Actuellement dans le palais de Buckingham, vêtu de ton masque et de ton uniforme d’Exorciste, tu ignores toujours qu’autrefois tu travaillais à ton compte pour cette fameuse Reine qui ne souhaite pas montrer son petit nez pour te parler. Tant pis, de toute manière tu n’es pas très enchantée de la voir en chair et en os, tout simplement parce que tu n’y vois aucune curiosité et intérêt. Ça t’est égal d’avoir la chance de lui parler, de lui adresser la parole, car pour toi elle n’est rien qu’une personne normale, banale. Bien entendu, tu préfères garder ce jugement pour toi-même, mieux vaut ne pas t’attirer des ennuis à cet endroit. Tu restes donc impassible, attendant patiemment bien que tu commences réellement à t’ennuyer. On t’a demandé d’attendre la Conseillère de la Reine, sauf que ça fait plus de deux heures que tu poireautes dans son bureau. C’est l’Ordre Noir qui t’envoie dans ce palais pour y mener une petite enquête. En effet, une taupe du Comte Millénaire pourrait se trouver dans ce bâtiment et travailler directement pour la Reine ce qui serait assez fâcheux pour la réputation de l’Angleterre. Alors, quand on t’a informé de ce travail, tu n’as pas hésité une seule seconde à sauter dans cette affaire. Enquêter c’est ton truc, ta passion, ton passe-temps et ça tue ton ennui maladif. De plus, tu ne sais pas pourquoi mais ton intuition te dictait d’accepter cette mission pour juste retourner à Londres car tu sais que tu es née à cet endroit. Ton dossier le mentionne ainsi que ton aînée Wanda. Donc, pour tenter de reboucher les trous de ta mémoire, il faut revenir sur ses pas et accessoirement à Londres. Tu dois ressentir l’air de cette ville, pouvoir l’encrer en toi, ne faire qu’un avec ce lieu et tenter…de retrouver l’ancienne Risa que la Noah du Savoir mentionne tant.

Tu retournes à la réalité, tu quittes ton précieux palais mental lorsque la porte du bureau s’ouvre pour y laisser entrer un majordome à la chevelure noire détenant des iris de sang. Tu arques un sourcil sous ton masque, tu le fixes de la tête aux pieds tout en y découvrant des nombreux indices. Tout d’abord sa tenue qui ne possède aucune plie. Son uniforme est bien entretenu ce qui confirme que l’homme est soigné, droit dans ses bottes. Tu repères par la même occasion le blason de la Maison Danvers. Ainsi donc, tu es en face du majordome de la Duchesse Danvers qui accessoirement est la Conseillère de Sa Majesté. « Je vous prie de m’excuser, madame… » Il fronce ses sourcils et tu comprends tout de suite qu’il désire connaître ton nom sauf que tu ne comptes pas le dire, préférant rester dans la sécurité et souhaitant garder ton nom anonyme. Tu te souviens également que Wanda t’avait ordonné de ne pas divulguer ton nom de famille. Qu’elle te tiendrait au courant du pourquoi et du comment lorsque tu seras rentré de cette mission. Tu comptes bien entendu accepter ce marché car tu as énormément de question à lui poser, quitte à lui faire arracher les vers de son nez. Alors, tu coupes immédiatement la parole au majordome. « Nakamura. » Dis-tu en prenant le premier nom que tu trouves dans ton palais mental. « Wanda Nakamura. » confirmes-tu en trafiquant ton accent anglais pour le rendre non naturel afin de ne pas apporter de doute sur ton nouveau nom d’origine Japonaise. Tu sens de l’hésitation chez le serviteur de la Maison Danvers, aussi bien sur son visage que sur ses gestes. « Ne m’obligez pas à me répéter et veuillez arrêter de me faire perdre mon temps. J’ai déjà réussi à calculer le nombre de tâches parsemées dans les murs du bureau ce qui explique que les domestiques sont incompétents dans leur travail. Dois-je également ajouter que votre maîtresse est très désordonnée dans son travail car la pile de dossiers sur son bureau n’est pas très bien correctement rangée, son écriture est d’ailleurs médiocre pour une personne se trouvant être dans la haute société. » Tu tends ta main en direction de l’homme, plus précisément près de son visage pour l’inciter à ne pas ouvrir la bouche car…tu es franchement irritée et énervée, toi la sociopathe de haut niveau. « Inutile, majordome. Je sais très bien que la Conseillère ne peut pas me recevoir aujourd’hui, tout simplement parce que j’ai déduit que cette dernière doit être absente depuis plusieurs jours. Ce qui explique la poussière sur le bureau, les dossiers qui ne sont pas traités depuis belle lurette, ainsi que la raison de pourquoi les journaux ne parlent plus de cette Cassidy Danvers. »

Tu penches ta tête sur le côté, tu plisses tes orbes d’un bleu océan sous ton masque en comprenant que tu viens de trouver la vérité à l’énigme qui plane dans cette pièce. Ce qui fait donc un mystère de plus qui est résolu sur ton compteur qui doit s’élever à plus de cent vingt. Rien à rajouter à part que tu es encore une fois de plus, exceptionnelle. Tu croises tes bras sous ta poitrine, tu tapotes ton pied droit sur le sol pour exprimer à tout entourage que tu attends les informations que tu souhaites obtenir pour commencer ta mission. Tu veux un nom, un prénom ou bien une liste de ces deux choses pour débuter ton enquête et purifier cet endroit des projets malfaisants du Comte Millénaire. Alors te faire patienter, tourner autour du pot, ce n’est pas vraiment une solution acceptable et satisfaisante, c’est bien pire, c’est tout le contraire pour faire avancer ton travail. Les réactions de la plupart des êtres humains sont vraiment déplorables par moments, heureusement que tu te qualifies au-dessus de ces personnes lambda qui préfèrent emmagasiner un maximum d’informations dans le crâne afin de le pourrir et de le dégrader encore plus. C’est intolérable d’effectuer un tel procédé. « Un dossier secret a été volé dans nos locaux. Il s’agit là d’une affaire importante, une question d’honneur et de réputation pour l’Angleterre. » Tu détournes les talons, tu remets ta capuche pour camoufler tes cheveux de neige. « Je m’en contrefiche. » lâches-tu avant de claquer la porte après avoir quitté la pièce.

Malgré les insistances des suivants de la Reine, tu n’as pas bronché une seule seconde. Cette affaire ne correspond aucunement à ton travail d’Exorciste donc tu préfères retourner à tes appartements pour tuer le temps à jouer du violon ou bien apprendre à parler la langue Allemande qui te fascine énormément depuis plusieurs jours. Quittant la cour du palais, tu passes devant les gardes de la Reine puis tu bifurques à droite pour tenter de te perdre dans le centre-ville de Londres. Soudainement, ton ventre se met à gronder, un signe qui t’indique que ton estomac a besoin de ressources pour redonner de l’énergie à ton merveilleux, à ton resplendissant, à ton formidable palais mental. Tu choisis donc un restaurant simple qui balance si bien pour les riches que pour les pauvres. Le menu offre de tout et plusieurs choses t’intéressent déjà. Tu n’as pas réellement mangé depuis ton réveil, un petit déjeuner ne sera pas de trop, surtout avec cette température fraiche et agréable pour ce mois de Juin. Malheureusement, toutes les tables sont prises et le serveur s’excuse déjà en t’avouant et t’affirmant que le restaurant est complet. Sauf que toi, petite détective prétentieuse, tu n’es pas d’accord avec cet homme. Tu repères automatiquement une table où une demoiselle à la chevelure blonde s’y trouve. « Regarder mieux my dear, ce restaurant n’est pas complet. La dame en face de vous souffre de solitude par un simple coup d’œil. Ou alors est-ce de l’ennui qui se dégage de son expression. Bref, elle attend quelqu’un et je suis la personne que cette demoiselle recherche. » Tu soupires en voyant que le crétin ne comprend rien à son charabia. « Je suis son ami pardi, tenté de réfléchir un peu jeune homme au lieu de dégager cet air d’idiot qui fait baisser le QI de ce restaurant. » Tu effectues un geste de main pour signaler qu’il est inutile de répondre tellement que tu es ennuyé de ce personnage. Tu tires la chaise en face de la blonde, tu t’assieds dessus et enlèves aussitôt ton masque. « Bien le bonjour cher ami. » mens-tu en tentant de convaincre le serveur qui te donne enfin une satanée carte pour commander ton petit déjeuner. « Vous m’aviez fort manqué, mademoiselle Panabaker. Je suis un de vos plus grands fans. » rajoutes-tu, toi la Sherlock qui ignore absolument que tu as aimé par le passé cette jolie femme et qui d’ailleurs se trouve être ta plus grande rivale. Tu caches ton visage avec la carte et tu tentes de choisir quel repas tu vas commencer en oubliant totalement la présence de cette prima donna que tu ne connais pas en réalité.

Que vais-je choisir de bon sur ce menu qui pour moi laisse cruellement à désirer. Je savais que j’aurai dû me rendre au restaurant se trouvant au Sud de Trafalgar Squar, mais non cette fichue mission au palais de Buckingham m’oblige à choisir ce lieu pour me ravitailler et ainsi augmenter ma concentration pour mieux travailler. Scrutant les différents noms des aliments, je remarque d’ores et déjà des fautes sur la carte, sans oublier de légères traces de graisses sur un côté du plan. Je soupire bruyamment tout en remuant mon visage de droite à gauche tout en sentant les cheveux rebelles de ma tresse indienne qui me chatouille la joue gauche. De ma langue, je mouille mon pouce -celui qui est encore humain- pour tourner une page de la carte. J’hésite grandement avec un canard servi avec un accompagnement de légumes verts ou d’un poulet mélangé à des pommes de terre. Diantre, le choix est difficile, je vais donc opter par une solution. De ce fait, d’un regard très furtif, j’observe -je ne regarde pas- les nombreux plats que mangent les clients de ce restaurant. Je peux constater que le poulet aux pommes de terre est très convoité contrairement à celui de canard. Mon choix est donc fait, c’est évident je vais choisir le premier plat pour ne point être comme les autres idiots. Après-tout, ce n’est point sorcier de comprendre que le canard est une viande plutôt rare comparée au poulet. L’animal est abattu en pleine nature au lieu que ce soit dans un élevage, le repas sera donc plus tendre, plus appréciable pour mes papilles gustatives. Je ferme un instant les couvertures de mes orbes marines lorsque les pleurs d’un enfant se font entendre. Sacre bleu, les parents ne peuvent-ils point enfiler une muselière à ce diablotin ? Je n’arrive même plus à m’entendre penser à cause de ce mioche. C’est ainsi qu’en me retournant à moitié pour exprimer mon agacement sur les plaintes du petit garçon à ses parents, ma voisine de table se met à parler, à me gêner elle aussi. Une minute, cette Prima Donna connaît mon identité ? J’ai toujours été distant envers les gens donc comment se fait-il que cette beauté de la nature soit au courant de mon nom et prénom. Drake ? Peut-être fit-elle allusion à une autre personne car mon nom c’est Holmes tout court. « Admirer est un bien grand mot. Vous ne correspondez nullement à mes attentes Lady Panabaker. » Repliant la carte pour l’entreposer sur la table, j’effectue un sourire sans émotion qui aussitôt disparaît en moins d’une seconde. « Peut-être que votre folie des grandeurs a obscurci votre esprit, mais je ne vous connais point et tout comme ce mot Drake que vous avez placé après mon nom de famille. »

Le serveur revient à notre table où sans un mot je désigne mon choix de victuaille pour ressourcer mon palais mental. Un jus de pomme ne sera point trop demandé pour apprécier mon repas, j’ai toujours eu un petit faible pour cette boisson mais elle ne dépasse point ma passion pour le tabac. Pour patienter, pour ne pas m’ennuyer surtout, je sors de mon manteau d’exorciste ma pipe en argile tout en tapotant le bout pour retirer la salissure qui s’y trouve à l’intérieur. D’un paquet se trouvant dans ma sacoche accrochée à ma ceinture, je ressors un petit sachet qui ne contient aucunement du tabac normal. J’aime rajouter du piment dans ma drogue donc pourquoi point un peu de cocaïne pour débuter ? Bien entendu, je ne me scie guère de ma voisine de table, j’effectue mon petit numéro comme-ci je me trouvais seul. Au diable les remarques des idiots, qu’ils dînent tranquillement au lieu de piétiner mon espace de tranquillité. « Je ne pensais point qu’une Prima Donna s’intéressait autant à mes activités, my dear. » disais-je en émettant un ton assez intrigué de cette curiosité de cette jeune femme. Mes orbes d’un bleu océan s’effondrent sur le verre de vin de l’Anglaise où la bouteille se trouve être manquante. Peut-être que la blonde a juste commandé un verre et non la bouteille. « Margaux 58. Millésime de la comète. » annonçais-je en désignant de mon index robotique le vin de la Scandaleuse. « C’est fascinant comme un événement astronomique affecte la qualité du vin. » Je lui souris furtivement tout en étant assez fier d’avoir reconnu le vin en question de par sa couleur et sa texture assez épaisse qui se voit infiniment sur la surface du récipient où la femme vient de boire. J’aime m’attacher aux petits détails car ils sont essentiels pour déchiffrer la vérité. « Pour en revenir à votre question miss Panabaker, l’avantage d’être détective privé, qui plus est détective consultant c’est que je choisis mes clients. Un envoyé de la Duchesse Danvers souhaite que j’enquête sur la disparition d’un dossier pouvant tâcher la Couronne. J’ai bien entendu refusé. » Je m’enfonce dans ma chaise tout en savourant ma drogue dans ma pipe en argile, effectuant des anneaux de fumées par le rejet du tabac de mes poumons. « Je refuse de travailler pour la maison Danvers, que ce soit pour la Duchesse ou un prix. Savez-vous pourquoi ? » Sans me soucier de la réponse de la blonde qui se trouve être la moitié de la disparue Baronne, je lui lance une lettre venant de la main de sa moitié. Un bien que j’ai évidemment volé en attendant impatiemment le majordome en chef de la maison Danvers. « Vous êtes-vous penché sur l’étude de la graphologie, my dear ? » Je croise ma jambe gauche sur ma droite tout en reprenant mon explication pour ne point laisser la blonde répondre encore une fois. Je n’éprouve aucun remords, aucune honte à manquer de respect pour la Prima Donna. « L’analyse psychologique de l’écriture manuscrite. Les barres verticales au-dessus du M, du J, du P indiquent une intelligence. Les fioritures inférieures dénotent une nature inventive et méticuleuse. À l’observation de l’inclinaison comme de la pression, il ressort un très profond narcissisme. Une prédisposition étonnante à l’aliénation éthique. »

Je me stop dans mon explication, montrant bien dans mes propos que la Duchesse Danvers est bien plus sombre qu’elle ne le souhaite le montrer aux journaux. C’est dans ma nature de démêler du vrai ainsi que du faux et cette femme est loin d’être la forme angélique des pauvres. C’est un agent du Diable, un avocat de Satan. Prenant une bonne bouffée de mon tabac, je plisse mes cristaux azur pour regarder de la tête aux pieds, du moins du buste à la tête la Scandaleuse pour y découvrir un quelconque indice. Malheureusement, je ne trouve rien d’important. De la fatigue dans son regard, du remords sur l’expression de son visage, peut-être de la tristesse. « Dites-moi miss Panabaker, est-ce normal de ne plus vraiment vous voir sur les scènes Anglaises ? J’ai ouï dire que vous auriez abandonné votre métier de Prima Donna. Si c’est le cas, je me demande bien pourquoi au vu de votre célèbre popularité. »