Prédateurs

Presque un mois s’est passé après sa dernière visite à Paris. La dernière fois, Cloud était en filature, espionnant dans l’ombre son ancienne élève rongée par un désespoir et une rage malfaisante. Heureusement que son instinct féminin est toujours à l’aguet car grâce à cette chose, la blonde est arrivée à temps pour arracher Risa Holmes Drake des griffes du Clan Noah. Lau Shîmin est intervenu in extrémis pour ce sauvetage, il a donné le meilleur de lui-même en donnant au passage une bonne correction au Souvenir de la Révolte. Encore une fois, la Maréchale se trouve dans cette ville luxueuse possédant une immense ombre de pauvreté pour réaliser un sauvetage. Cette fois, il ne s’agit absolument pas de sauver des êtres humains, mais des animaux. D’après ce que mentionne un rapport venant d’un Traqueur, un cirque à subit une mutinerie provenant de ces pauvres bêtes destinés à l’esclavage. De sombres souvenirs reviennent gêner sa mémoire à propos de son passé de dompteuse dans un cirque très réputé aux États-Unis. Elle revoit encore la misère de ses tigres, de son lion et de son capucin. Maintenant, à l’heure d’aujourd’hui, Cloud n’a plus que Lau Shîmin. Ses tigresses Opale, Ruby et Perle ont été victimes de cette affreuse guerre. Onyx, son vieux lion grincheux est quant à lui, décédé à cause de sa souffrance d’être enfermé dans une cage. Elle espère que ses animaux galopent à présent dans les prairies du paradis.

Lau Shîmin penche sa tête sur le côté lorsqu’il aperçoit une larme perler le long de la joue droite de sa maîtresse. Il gazouille de tristesse et d’inquiétude. Le capucin déteste voir sa mère dans un état pareil. D’ailleurs, le singe remarque que la dompteuse est de plus en plus fatiguée par le surmenage des missions. Elle enchaîne sans jamais prendre de repos, revenant toujours avec des blessures. Pour elle, prendre congé est inutile et fait gagner plus de terrain à l’ennemi. Quand cette guerre sera terminée avec la victoire de l’Ordre Noir, Nine décidera alors de ranger son fouet.

Quittant la place donnant sur la Tour Eiffel, la balafrée avance doucement au point de rendez-vous. En coupant certaines rues Parisienne, la femme va arriver à l’heure sans avoir une seule minute de retard. Une chose que Cloud déteste dans la vie, c’est de ne pas respecter l’horaire d’un rendez-vous pour une mission. Que c’est malpoli, pas professionnel du tout et irrespectueux. Tout comme ces gens qui préfèrent fainéantiser pendant le travail dont se regretter de Cross Marian. Rien que de penser à ce type, ce pervers, ce coureur de jupons, la crinière de Cloud s’hérisse de colère. Elle se demande toujours comment les femmes font pour tomber sous le charme de ce pauvre imbécile. Il représente presque tout ce que Nine déteste chez un homme. Non, même en y repensant encore et encore, Cloud ne trouve aucune réponse à ses interrogations. La gent féminine des nouvelles générations est assez bizarre. Elle ne compte pas citer une demoiselle en particulière pour ne pas être une mauvaise Maréchale…

Le point de rendez-vous est juste devant sa position et d’après sa montre à gousset posée dans l’une de ses poches de son resplendissant uniforme de Maréchale, l’Américaine arrive pile à l’heure, comme convenu. Rien que de voir une cigarette au bec de l’homme qui se trouve être un Traqueur, Cloud espère qu’il ne sent pas l’affreuse odeur du tabac froid qui lui donne toujours des petites nausées. Bizarrement, son visage est familier mais impossible de déceler une quelconque information de l’endroit où la blonde l’a déjà côtoyé. Chaque jour, des nouvelles figures s’ajoutent au tableau et la balafrée ne possède pas une mémoire photographique et visuelle pour toujours reconnaître les personnes. Tant pis, peut-être que sa mémoire compte lui donner une réponse plus tard, pour le moment le problème n’est pas de savoir pourquoi son visage ne lui est pas inconnu. Le plus gros souci, c’est de comprendre pourquoi et du comment les animaux ont décidé de se rebeller d’une manière incompréhensible.

La Maréchale adresse un signe de tête à son collègue, demeure impassible, imperturbable et délivrant son regard toujours aussi gelé. Elle croise ses bras, ferme les yeux et soupir lorsque son délicat odorat est agressé par l’odeur de ce tabac infecte.

« Ne perdons pas de temps pour les discussions. » commence-t-elle froidement. « Rendons-nous à ce fameux cirque qui ne sait pas gérer ses pauvres animaux. » Elle remarque l’arme de son coéquipier et arque un de ses sourcils blonds. « Je vous suggère d’utiliser votre arme en dernier recourt. Les animaux qui attaquent les hommes et les femmes du jour au lendemain adoptent un comportement inhabituel et très louche. »

Comptant ne pas perdre du temps à la discussion et pensant avoir déjà un peu trop gâchée des secondes cruciales pour cette mission, Cloud emboîte le pas la première à la recherche de ce cirque. D’après les affiches accrochées un peu partout dans les allées Parisiennes, le point recherché n’est pas très loin. Il va falloir quelques minutes pour s’y rendre à condition qu’aucun élément fâcheux survienne en cours de route comme par exemple être déjà attaqué par des animaux de la jungle. Chose qui arrive soudainement car en empruntant une avenue, des petits pas pouvant faire frissonner plus d’un se rapprochent dangereusement des deux membres de l’Ordre Noir. Huit pattes, bien velu, ayant déjà tissé sa toile pour barrer le passage à l’homme et à la femme. Une tarentule qui n’effraie guère la dompteuse qui saisit déjà son fouet afin de montrer qui est la patronne. Elle frotte en reculant sa botte droite sur le bitume, fronce ses sourcils, attend que la petite bestiole s’approche et soudainement, la lanière du fouet s’écrase sur la cible menaçante qui roule sur le dos et recroqueville ses pattes. Normalement, l’arachnide est juste sonné pour un bon bout de temps, cependant le sang sur le bout de l’arme de Cloud peut prouver le contraire. Elle serre les dents de frustration. Son geste était sans doute un peu trop fort… C’est en vérifiant de très près, que la blonde se sent honteuse d’avoir tué ce pauvre être vivant mais il est toujours difficile de contrôler la puissance de son fouet surtout qu’à chaque mission son arme est continuellement détruite par ses adversaires. Inutile de se lamenter sur ce qui vient de se produire à présent…il est temps de continuer la route en direction du cirque.

   

Soigneusement, la dresseuse enroule la lanière de son arme autour de son bras pour bien que son fouet adopte la forme d'un cercle. Ensuite, l'objet est accroché sur un mousqueton de son ceinturon. En faisant cette toute petite chose, la Maréchale ne s'occupe guère de son collègue qui vient de saisir une dalle appartenant au sol de cette ruelle pittoresque. Puis, après s'être approché suffisamment du cadavre de la tarentule, il jette la forme lourde sur la bestiole. Un bruit désagréable agresse l'ouïe auditive de la Maréchale qui ressent subitement un frisson parcourant sa colonne vertébrale. Lau est triste de voir un tel spectacle et soudainement grogne en montrant son poing au Traqueur. La blonde reste neutre, impassible comme à son habitude à vrai dire. Elle se contente de fixer la dalle légèrement ensanglantée et le reste du mort. Que peut dire Cloud Nine sur ce geste, ce fait ? Absolument rien. Sa réaction est normale et les araignées ont déjà simulé leurs morts pour échapper à des choses plus menaçantes. Et puis, autant bien finir le travail.

En continuant de ne faire qu'un avec le silence, la femme reprend la route. Cloud esquive les dernières toiles du regretté arachnide pendant que son collègue s'étant saisi d'une canne appartenant sans doute à une victime de ce fléau retire les filaments de la bête à huit pattes. Son collègue ouvre le dialogue pour perturber le calme, faire taire ce blanc qui est bien trop pesant entre les deux. Toujours devant le membre de l'Ordre Noir, en ne s'arrêtant aucunement de marcher, en ne le fixant même pas, elle écoute juste d'une oreille attentive les deux questions. En effet, l'idée que Lau Shîmin qui est un capucin et non un singe puisse peut-être repérer les animaux est bien pensé. Sauf qu'il n'a pas l'odorat d'un chien, encore moins la vision d'un aigle. Toutefois, l'innocence en lui pourrait sans doute lui donner un petit coup de fouet sur la présence des animaux. Si effectivement le cristal divin est fautif une nouvelle fois de ce désastre comme à Édimbourg, son petit ange pourrait potentiellement être utile, mais actuellement c’est une peine perdue.

« Il ne peut rien faire à ce sujet. » dit-elle toujours aussi froidement.

Elle a mémorisé l'endroit où se trouve le cirque. Que ce soit le nom de la ruelle, ceux des rues proches, le parcours qu'il faut faire et d'autres petites choses utiles pour cette mission. Il vaut mieux interroger le propriétaire du cirque pour potentiellement trouver un début de réponse à ce début de massacre. En espérant que le gérant soit toujours en vie...

Le chemin fut assez simple à suivre car plus l'objectif se rapproche et plus les ruelles sont assez chaotiques, recouvertes de sang et parfois même de cadavres. Oui, des gens sont bel et bien morts et la plupart ont été attaqué par des tigres à cause des blessures, des marques des griffures, des crocs plantées dans la gorge, etc. À ce train-là, les forces de police ont dû déjà agir ce qui signifie que plusieurs de ces bêtes ont déjà été abattus. Sauver les pauvres animaux semble être impossible car l'Ordre Noir a sans doute été mis au courant bien trop tard. Tant pis, Cloud Nine est ici pour arrêter cette boucherie et elle le fera.

Ledit endroit est enfin devant eux. Nine est restée silencieuse pendant tout le trajet. Aucune humeur à faire travailler ses cordes vocales. Rien qu’au vu de son uniforme, de sa rosaire, un employé du cirque blessé au bras s'empresse de chercher le responsable des lieux. C'est en passant devant une cage vide qu'une impression de déjà-vu survient en la Maréchale. Son instinct féminin lui dicte de vérifier certains barreaux et soudainement son œil visible s'écarquille. Il s'agit en réalité de la cage de son ancien lion Onyx. Les dégradations des barreaux sont identiques à celles que la dresseuse a connues.

« Cloud ? » s'écrie une voix d'un ton de surprise. « Mon Dieu tu es revenue ! »

Instinctivement, sa crinière en queue de cheval s'hérisse en y reconnaissant le propriétaire de ladite voix. De toutes les personnes qu'elle ne souhaite pas revoir, c'est ce type en question que Cloud préfère apercevoir en dernier. Lentement, son visage se retourne pour observer Rémi Thomson son ancien patron de cirque. Doucement la dompteuse ferme son poing qui fait craquer chaque phalange de sa main droite. Lorsque l'homme tente d'enlacer la femme, cette dernière le repousse avec sa main.

« Pourquoi les animaux se sont rebellés ? » questionne Cloud à Rémi de façon droit au but.